CDLT

Hater-generated content bi-mensuel sur le monde du travail. Sort le jeudi mais le mood est "comme un lundi".

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Par CDLT
29 sept. · 10 mn à lire
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Plus gros le logo - 1/2

Pour quand on a du mal à brander

C’était un matin de printemps. Je m’en rappelle comme si c’était hier (car c’était hier).

Je me baladais guillerette, il faisait beau, j’essayais de savoir si c’était bien une odeur de caca de cheval qu’on sentait dans Amsterdam ou si j’avais marché sur quelque chose (réponse : c’est du caca de vache), bref, ça allait.

Puis soudain m’est tombée dessus cette intense bouffée d’agacement et d’envie d’argumenter avec moults jurons, qui, si je n’en fais pas un article TTFO, finira un jour par me filer un ulcère.

Car oui, cet article n’est pas que de la mauvaise humeur, c’est aussi un acte de self-care.La cause de ma rage cette fois ? Cette campagne d’ace & tate (une marque de lunettes avec un jeu de mots dedans, ça partait pourtant si bien).

Croyez-moi, j’ai d’abord essayé de prendre sur moi. Et puis j’ai vu qu’un petit bout de l’ad Twitter était en train de s’extasier dessus, à base de “Oh ben je vais montrer ça à mes relous de clients qui me demandent toujours où est le produit” et paf, ça m’a fait une remontée acide.

Il est donc plus que temps d’ouvrir dans TTFO la boîte de Pandore, la vraie :
la question du branding en communication.

L’angle est bien évidemment celui de la colère peu constructive, les sources et références seront bien sûr soit 1/ inexistantes, 2/ issues de mes vagues souvenirs d’un bouquin que j'ai lu il y a 5 ans 3/ les premiers trucs qui me viennent à l’esprit.

Il y a des colères saines

S’il y a bien un truc qui m’énerve fort, c’est que la question du branding en communication est trop souvent ramenée à deux choses :

1/ Plus gros le logo

2/ Un combat entre client et agence, ou entre plannos et créas, basé sur l’idée que plus une marque est présente dans sa com, plus la qualité de ladite com va être nulle.
Ce qui nous amène généralement à des arguments pétés du type “Non mais ça sera tellement bien que les gens VOUDRONT savoir quelle est la marque derrière”, et à pléthore de campagnes “first ever” dont le but premier semble être de démontrer au marché de la pub que l’agence derrière la créa a réussi à vendre un truc de ouf à un client au mépris du bon sens, bref, je me calme.

Commençons par reposer les Bass

Donc avant toute chose, énonçons juste deux-trois pré-requis rapido, en prenant comme consommateur·ice-type une ménagère lambda qu’on appellera Brigitte M. et qui est en train de faire des courses pour une petite sauterie à la bonne franquette avec des potos au château.

QU’EST-CE QUE LA PUB CHERCHE À FAIRE, DÉJÀ ?
Alors, dans une immense majorité des cas, et même si elle essaye d’y parvenir au maximum, la publicité n’est pas présente pile-poil à l’endroit ou au moment où Brigitte est en train de faire ses courses.
Donc a priori, au moment de choisir des rillettes, devant un immense rayon de rillettes indifférencié et si, mettons, il n’y a pas de promo en cours (Bri est très cost-conscious), un très bon rôle de la pub serait d’arriver à se faire dire à Brigitte“ah tiens, les rillettes dans le pot rouge là, elles ont l’air assez premium”.
Ce qui est déjà beaucoup, à l’échelle de toutes les courses de Brigitte.

La pub sert (notamment) à ce qu’au moment de choisir un produit au milieu d’un tas d‘autres produits, un raccourci assez simple et rapide dans le cerveau de Brigitte lui présente les rillettes rouges comme 1/ familières 2/ assez super pour justifier de les choisir vs. la MDD ou même, on peut rêver, une promo.

Evidemment, cette définition est un résumé extrêmement simplificateur d’une théorie elle-même assez simplificatrice de l’institut Ehrenberg-Bass (que je vais appeler EhBé à partir de maintenant), et qu’on peut amender sur beaucoup d’aspects. Ça ne marche pas exactement comme ça sur tous les secteurs, ça marche mieux quand il n’y a pas une extraordinaire différenciation du produit, et puis l’approche revient quand même à dire que globalement on s’en fout de ce que la pub raconte, ou de son niveau de créativité ou des émotions qu’elle génère, ce qui est hautement discutable.
Cela dit, ce n’est pas non plus mutuellement exclusif en fait, de la bonne pub créative avec un cool messageetdes codes mémorables, donc on va continuer.

QU’EST-CE QUE LE BRANDING CHERCHE À FAIRE DÉJÀ ?
Dans le contexte de la com, il sert donc normalement à ce que quand Brigitte voit une pub pour des rillettes, a priori à un moment où elle n’a pas envie de rillettes (ce qui pour Brigitte représente 99% de son temps, alors que pour moi c’est max 40% et c’est quand je dors), elle puisse 1/ attribuer cette pub à la marque qui l’a faite 2/ ne pas l’attribuer à une autre 3/ aider à construire les structures mentales (c’est le terme, désolée, c’est moche) qui seront bien utiles pour qu’elle choisisse la bonne marque dans les linéaires.

Et en fait :

“Plus gros le logo” ça suffit pas.Le but de cet article (parce que oui, on y arrive) c’est même de dire qu’a priori, si la solution qu’il reste pour créer plus d’attribution sur une campagne c’est de faire grossir le logo (ou de le caler dans un coin dès le début d’un film, mon dieu), c’est qu’on est déjà dans le caca (de vache), et jusqu’au cou.
Car le branding, c’est un truc qui idéalement se pense en amont. Au niveau de la définition des codes d’une marque, déjà, qui idéalement tant que possible devraient être durables et vivre partout. Au niveau de la définition des codes d’une plateformecréative ensuite et qui fait que toutes les campagnes qui en découleront seront bel et bien évidemment les campagnes de cette marque et de cette plateforme.

Et je crois profondément que brander une campagne n’a pas à être une souffrance(sachez que j’avais initialement écrit “n’a pas besoin d’être dur”), ni un débat, ni un compromis. Car je suis convaincue que si on considère tous ces assets de branding comme une boîte à outils, alors on peut jouer avec, en faire des supports de créativité, faire des jolies campagnes qui en plus sont efficaces, et surtout, surtout gagner plein de temps à éviter des débats de dernière minute sur la place du logo.
Cela dit, c’est de plus en plus compliqué, pour une agence par exemple, de créer des assets durables avec une épidémie de remises en pitch tous les 2 ans, au mieux. D’un autre côté, beaucoup de relations très longues entre agence et client se sont aussi créées autour de plateformes créatives qui étaient assez fortes pour durer dans le temps.

Enfin bon bref revenons-en au point : mettre son logo c’est super, mais c’est quand même un tout petit petit bout de tout que tu peux utiliser dans ta com pour dire qu’elle est à ta marque. Ah, oui, ah bon, mais y’a quoi alors ? Prenez une boisson chaude, fraîche, tiède peu importe mais c’est parti, dans le désordre :

DISCLAIMER : évidemment, ces assets ne sont jamais intégralement autonomes, et généralement marchent mieux combinés les uns aux autres.
DISCLAIMER bis : on se parle ici de brand assets dans le cadre de la com, pas de branding en général ni même en particulier d’ailleurs.
DISCLAIMER ter : tous ces assets ne sont pas du même niveau d’importance, et ne fonctionnent pas aussi bien dans tous les secteurs. On en reparlera. Peut-être.

1/ ANNONÇONS LA COULEUR

Qu’est-ce qui est orange et t’emmène partout en Europe ?
Qu’est-ce qui est bleu/rouge/jaune/vert et répond à toutes tes questions ?
Qu’est-ce qui est rouge et t’occupe le soir quand t’as la flemme de sortir ?
Qu’est-ce qui est bleu et vend tes datas au plus offrant ?
Qu’est-ce qui est jaune et qui attend ?
Oui, vous. Vous vous attendiez à cette blague.Bref, la couleur, ça peut aider.
Ou pas :

2/ ÇA VA, LA FORME ?

Cette image désespérante nous amène en douceur sur le sujet des formes. J’épargne le classique Coca (qui marche dans absolument TOUTES LES CATÉGORIES de toute façon), mais il y a l’espèce de petit noeud papillon de HSBC, les bandes bleues d’IBM, les bandes rouges de KFC, bon voilà vous l’avez à fond (la forme).

3/ POLICE PARTOUT

Si on met de côté les marques de luxe qui ont décidé d’adopter toutes plus ou moins la même typo, ça vaut le coup de taper dans le font.

4/ L’HEURE DES PRODUITS

On y vient. Le produit, sa forme, son apparence, sa couleur, bref le produit.
C’est vachement plus facile quand on a un produit physique (quoique parfois pas, quand on y pense Tinder a le swipe et Darty le contrat de confiance enfin je sais pas ce que c’est, est-ce que quelqu’un sait, ça existe ou pas, c’est un vrai contrat, ou juste une promesse, un symbole, une relation, on ne sait pas, on sait juste que ça existe et ça c’est beau) et quand il est pas trop mal designé, mais bien sûr un produit peut être un code distinctif formidable.
Comme par exemple des écouteurs blancs, une enceinte en forme de pilule, une voiture citadine italienne toute en courbes, un petit biscuit carré avec un visage dessus.

Et oui, la publicité a aussi adoré jouer avec l’absence dudit produit ou avec l’absence de tout autre chose que le produit. Mais pour que le produit brille par son absence ou qu’il se suffise à lui-même, il faudrait idéalement, enfin ça serait cool, du moins pas trop mal, qu’il remplisse quelques conditions. Petites. Du type, que la marque soit très massivement connue, et fortement associée à ce produit. Du type, que le produit soit vraiment très très célèbre, voire iconique. Presque rien quoi.
Mais quand t’as la noto/l’historique pour le faire, mon dieu, ça réussit l’absolue performance de rappeler sans rien dire aux gens pourquoi ils t’aiment. Attention, ce stunt a été réalisé par des professionnels, ne pas reproduire.

Le reste a des chances, parfois peut-être, d’être juste de la branlette, ou de faire le boulot de la catégorie.

Donc par exemple, dans le cas purement hypothétique où existerait une campagne purement hypothétique pour des lunettes de soleil SANS lunettes de soleil, ben ça serait hypothétiquement assez malin que ça soit soit pour soit la coopérative des lunettes de soleil (type Got Milk, mais avec des lunettes, enfin sans des lunettes, donc), ou par exemple, je sais pas moi, POUR RAY-BAN, pas pour un disrupteur hipster. Hypothétiquement.

5/ LE PACK, MAN

Ouais, alors c’est pas très loin du produit je vous l’accorde. Mais c’est pas totalement pareil. Il y a des packagings qui sont en eux-mêmes constitutifs d’une marque. Le papier Carambar, la boîte de soupe Campbell, le prisme droit à base triangulaire du Toblerone (ouais, j’ai dû googler), la bouteille Absolut. Je sais pas si le Canard WC rentre là-dedans, mais il rentre dans les recoins de tes chiottes et c’est tout ce qu’on lui demande.

6/ SALES CHARACTERS

Ah les personnages.
La hantise des créatifs, la recette du succès en FMCG (et dans l’assurance).
(shit, une chart)


Y’a la mascotte : bonhomme Cetelem, Furets, Bibendum, Géant Vert, Mr Propre, M&M’s, Cerise, le lapin Duracell, les P’tits Fruits, le PDG de Rozana, l’écureuil, Footix, bref c’est redoutable une mascotte. Si elle est est pas trop creepy, et qu’on investit bien dessus, malheureusement c’est une recette imparable. Petite pensée cependant pour feu Groquick, feu le pouce de la Société Générale, feue Alice, feu Lycos, feus les bébés Evian, et Ronald, il est toujours là ou pas, on sait plus?

Y’a la célébrité : what else optic deux miiiille ça vous étonne Richard Berry qui mange un yaourt ça coule de source je rêve d’une banque.

C’est fatigant tellement ça marche.

Merde

Ce post est déjà beaucoup trop long.
Alors qu’il nous reste les meilleurs brand assets à explorer. Les plus rigolos, genre les bruits et tout.
Et à réfléchir à nuancer leur application selon les secteurs.
Bon, ben ce sera pour la semaine prochaine alors.
J’ajoute de ce pas un petit 1/2 dans le titre, et vous souhaite une belle semaine.

Bisous,

Sev