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Par CDLT
31 janv. · 10 mn à lire
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Plus gros le logo - 3/2 - La pub McDo

Enterrons l'arche de guerre

Oui j'arrive trois semaines après la bataille. Rien de mieux pour le clic qu'un petit rebond d'actu sur un truc qui n'est plus d'actualité #bestpractice.

On va donc parler de la dernière pub McDonald's par Leo Burnett UK : Raise your arches (quel nom de merde)

Deux types de réaction sur le petit Twitter publicitaire :

  • c'est du génie

  • c'est pas du génie

Celleux qui disent que c'est pas du génie hurlent, comme d'habitude, au branding :

ON VOIT PAS DE PRODUIT ! ON VOIT PAS DE RESTAURANT ! ON VOIT MÊME PAS LE VRAI LOGO C'EST IRRESPONSABLE.

On va en parler, mais on va aussi parler de celleux qui disent :

C'EST GÉNIAL REGARDEZ COMME C'EST SUBTIL ! TOUTES LES MARQUES DEVRAIENT FAIRE ÇA SI ELLES AVAIENT UNE ONCE DE COURAGE.

Parce qu'iels ont tort également.

J'ouvre donc l'épisode 3/2 de ma série sur le branding en publicité :

  • l'épisode 1 posait des bases et parlait couleurs, formes, typos, produits, packs, personnages

  • l'épisode 2 parlait tonalité, bruits, mécaniques, gestes, territoires, mots.

On rappelle la définition : le branding en publicité, c'est tous les signes qui font que les gens qui regardent une pub l'attribuent à la marque qui l'a faite, et pas 1/ à personne 2/ à une autre ce qui est couillon. On appelle ça l'attribution et ça a plein d'intérêts, cf épisode 1.

Et donc parlons de quelque chose d'important

Quand j'ai listé des exemples de "distinctive brand assets" (les signes qui font que etc.) j'ai bouclé la série en disant qu'il y avait plein de choses encore à préciser sur leur usage, mais bon j'étais KO, j'avais la flemme, vous aussi.

Mais l'exemple de McDo est une bonne illustration du fait que toutes les marques ne peuvent pas se permettre ET n'ont pas besoin d'utiliser les mêmes codes, de la même façon.

Parce qu'on se ferait méga-chier, déjà. Pour la blague, pendant que je réfléchissais à cet article, j'étais en train de tester Lex, une AI générative de texte, donc pour voir, je lui ai posé la question que je me posais. Voici sa réponse d'AI (caramba) :


Voilà. Le branding à taille unique, recette imparable pour faire de la merde (mais cohérente avec le reste de la merde autour).

Donc bon, si on essaye de ranger la chambre, l'utilisation qu'on fait de ces attributs de marque dépend, je dirais, de deux choses :

  • où on est : le secteur dans lequel on évolue

  • d'où on parle : notre position dans ce secteur et la tête des gens

Et comme j'ai grave la flemme de vous faire un mapping, je vais vous décrire ce mapping pour que vous vous le représentiez dans votre tête (il sera pas dit qu'on s'amuse pas chez CDLT) :

  • où on est - axe horizontal
    tout à gauche : secteur aux produits indifférenciés
    (les secteurs où les produits se ressemblent ou sont invisibles, par exemple j'sais pas moi, les yaourts nature, ou les assurances, la plupart des marques de service)
    tout à droite : produits différenciés
    (j'sais pas moi, les bagnoles, les enceintes high-tech)

  • d'où on parle - axe vertical
    tout en bas : personne te connaît déso
    (par exemple, si tu lances app de livraison de courses en 10min là maintenant)
    tout en haut : t'es le king/queen de ta catégorie et du monde
    (vous êtes peu)

J'ai bien conscience que ça aurait été plus rapide de faire un mapping dégueulasse sur Powerpoint mais c'est important de laisser de la place à l'imagination, on en reparlera.

Bref, t'agis pas pareil selon où tu te positionnes sur ce mapping.

1/ T'es tout en haut à droite

T'es une marque super connue, et ce que tu fais est assez unique. Comme par exemple, au pif, McDonald's. Ou Gucci (oui c'est large comme catégorie).

Tu as une avenue pour t'éclater, car tu as un truc que très peu de marques ont : des codes rien qu'à toi, et la possibilité de jouer avec ces codes sans affaiblir ta marque, au contraire.

McDonald's par exemple, son branding, c'est bien évidemment le logo, les couleurs, la petite virgule sonore tin tin tin tintin, le "I'm loving it", ses produits, et qu'ils sont tellement ancrés dans nos têtes à grands coup de batte que McDo peut faire des trucs comme ça :
From TBWA Paris with loveFrom TBWA Paris with love

Mais ce n'est pas que ça. Comme on a tous·tes une relation avec McDonald's, et que globalement on a tous·tes plus ou moins les mêmes habitudes, les mêmes expériences avec McDo, ces expériences FONT PARTIE de la marque. C'est pas juste des "insights" c'est constitutif de ce qu'ils sont.

Le "euuuuuh" quand tu arrives au comptoir, le fait que tu commandes globalement toujours le même menu, le fait que y'en a qu'aiment les cornichons alors que d'autres non, le McDo pour absorber la cuite ou la gueule de bois, ou bien sûr le "craving", l'envie soudaine, impérieuse et contagieuse d'un McDo, qui est donc le sujet de Raise Your Arches.

Et donc quand McDo joue avec, McDo rappelle aux gens non seulement qu'ils existennt (donner envie d'un domac c'est pas plus compliqué que ça parfois), mais aussi qu'on l'aime bien (si on est pas José Bové). Et en rappelant la relation qu'on a avec McDo, on la renforce. Magique.

Donc c'est tellement bien foutu, les structures mémorielles de McDo sont si fortes dans nos cerveaux que t'as pas besoin qu'on te montre TOUT pour penser à McDo :
- tu vois le logo --> tu penses à un burger/des frites/un sundae au caramel sans les cacahuètes
- tu vois le Big Mac/les frites/le sundae --> tu penses à McDo
Bref, ils ont des structures mémorielles de bâtards. C'est ce qui leur permet de se marrer comme des petits foufous en pub sans prendre de risques.

Et donc Raise Your Arches, qui montre 5/6 fois les couleurs de McDo, environ 50 fois le logo d'une façon marrante, et parle du craving soudain d'un McDo, ben c'est surbrandé. C'est juste de l'érotisme, pas de la pornographie : on suggère, le cerveau fait le reste.

Est-ce que c'est bien par ailleurs ? Je vous épargne les analyses de post-tests sortis trop tôt pour qu'on en tire quoi que ce soit. Est-ce que ça sert un autre but que de faire passer un bon moment en compagnie de ta marque de malbouffe préférée ? Je sais pas, je m'en fiche.

Continuons, car toutes les marques ne sont pas McDo.

2/ T'es en bas à droite

Ton secteur a des acteurs et produits très différenciés/différenciables, mais toi personne te connaît.

Par exemple, je sais pas, tu lances une super marque de wearables en tech, une marque de sapes trop cool, une caisse électrique.

La bonne nouvelle, c'est que t'es pas complètement à poil.
La mauvaise nouvelle, c'est que tu vas devoir batailler sec.

Mais au moins, pas besoin d'artifices en branding. A la condition que ton produit soit cool/beau/mieux, a priori, la ligne est claire : du produit, du produit, du produit, assorti d'une bonne identité visuelle (et bien sûr de toute l'armada d'expérience client qui va bien, de contenu, de RP, d'ambassadeur·ices mais c'est pas le sujet), allez une tonalité c'est bonus, mais ça ne sert à rien d'en faire trop non plus.

Ceci est un post Twitter des bagues connectées Oura, ce qui explique le manque de logo hein.Ceci est un post Twitter des bagues connectées Oura, ce qui explique le manque de logo hein.

Ok, on continue.

3/ T'es tout en bas à gauche

Secteur aux produits invisibles ou indifférenciés, et marque inconnue.

Et bien bon chance déjà.

Si ton produit à toi il est différent et que tu peux le montrer, comme Renova avec son PQ coloré, alors je te renvoie aux conseils ci-dessus. Fais-toi plaiz, te retiens pas.

Ce qui est bien avec cette section du mapping, c'est qu'elle ne manque pas d'exemples, enfin de contre-exemples : globalement toutes les startups de services tech (livraison, assurance, banque, paiement, marketplaces) sont passées par là récemment, ce qui a donné une floraison de campagnes toutes absolument identiques : gros aplat de couleur, petite ligne bien sentie drôle-clin d'oeil, gros logo, envie de mourir.

Mais la bonne nouvelle pour cette section, c'est que c'est celle où on peut faire le plus de trucs. Parce que globalement, toute la théorie des "distinctive brand assets" dont je vous bassine, elle vient plus ou moins de là. Pas des startups tech hein, mais de la FMCG (les produits de grande conso) : un univers impitoyable où tous les produits sont les mêmes, et où il faut taper dur pour qu'on choisisse tes chips/yaourts/pâtes plutôt que ceux des concurrents, ou PIRE la marque distributeur. Donc tous les trucs, mascottes, tonalité, formes, mots gestes, qui viennent du bon vieux monde d'avant, ils s'appliquent parfaitement au monde d'après.

Et donc oui, c'est le moment de choisir quels assets mobiliser, et d'y aller FRANCO DE PORT. Pas besoin de faire salade-tomates-oignons, faut en choisir quelques uns et y aller comme si sa vie en dépendait (car...). C'est pas pour rien que quasi toutes les assurances ont des mascottes, c'est pas pour rien que le rayon produits de nettoyage est un vomi épileptique de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, c'est pas pour rien que chaque grande eau minérale est mono-obsessionnelle (les volcans / le Sud mais pas le sel / le caca / le magnésium / les bébés).

Sinon, t'es pas sorti de l'auberge parce qu'il va falloir surcompenser en promo et compagnie, alors que t'es comme tout le monde, tu voudrais créer de la valeur.
Evidemment, je le répète, on se parle de branding uniquement, pas de stratégie média, ni de présence en linéaire, ni de messages, ni d'expérience produit, rien d'autre, quoi.

La question qui se pose alors, et à laquelle il n'y a vraiment pas de réponse unique, c'est : faut-il dans ce cas utiliser les mêmes types de codes que les autres ou pas ?
Et là, l'exercice devient difficile, mais on peut distinguer :

  • les assets qui te qualifient sur la catégorie : les passages obligés. Le truc qui fait qu'à l'échelle du secteur, on sait que t'es une marque du secteur parce que tu fais les trucs du secteur. Alan, ils révolutionnent l'assurance santé (cool), mais ils ont une mascotte (moins cool, mais cute).

  • les assets qui te permettent de te différencier : par exemple, une tonalité souriante avec des jeux de mots n'est PAS un truc qui permet de se différencier quand on est une startup de services et qu'on est pas Backmarket.

Bon, on en a asset fait, la suite.

4/ T'es tout en haut à gauche

Secteur indifférencié/invisible, mais ça y est t'es bien installé·e.

Parce que t'es arrivé·e avant tout le monde, ou que t'as frappé plus fort que les autres. Ceeeent-diiix-huiiiit, deux-cent-dix-huit (on a tous·tes oublié comment écrire les nombres ça va).

Bravo, déjà. Mais ce n'est pas le moment de relâcher tes efforts.

Parce que t'as une malédiction : tu tires la catégorie derrière toi, et tout le monde va te copier.
A peine tu t'installes confortablement dans ta position de domination, que fleurissent tout partout des briefs qui demandent "une tonalité à la Backmarket", "un packaging naturalité à la Michel & Augustin", "une icono à la Glossier", on va copier ton produit, tes pubs, ton identité, tu es la marque à abattre, te voici dans une course perpétuelle au leadership, où si tu t'arrêtes tu risques de te faire doubler.

Donc pas de repos pour les braves : c'est évidemment le moment de continuer à innover et améliorer ton expériences mais on a dit que c'était pas le sujet. C'est aussi le moment de faire deux choses :

  • capitaliser sur ce qui t'est propre pour rappeler que les autres ne sont que de pâles imitations. Le but à terme : pouvoir agir comme les marques en haut à droite, qui n'ont même plus besoin de se présenter. Peu de chances que tu y soies, mais c'est la direction à suivre, et le seul moyen, c'est de mettre les bouchées doubles sur ce qu'il y a d'unique chez toi et dans la relation que les gens ont à toi.

  • agir comme un leader : un leader, c'est l'adulte de la catégorie. Le leader n'a pas peur de la maturité : il laisse aux autres les conneries, et il embrasse les vrais sujets. C'est le moment de se demander ce qu'on a à faire et raconter, au-delà du branding, je sais c'est pas facile, bon courage.

J'ai pas du tout testé ce mapping (cartage?) à l'épreuve de la réalité, si ça se trouve c'est nul et ça sert à rien, mais si ça se trouve, pas ? Et bien évidemment, j'ai pris les exemples extrêmes, un mapping c'est aussi de la nuance, contrairement à CDLT.

En résumé, je réitère, car la répétition est la clé de la mémorisation :

  • bien brander, c'est important, mais surtout ça n'a pas besoin d'être une tannée

  • non vraiment, ça peut être même...

  • rigolo

  • si, je vous assure

  • on est pas venu ici pour souffrir

  • okay ?

CDLT,

Sev