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Hater-generated content bi-mensuel sur le monde du travail. Sort le jeudi mais le mood est "comme un lundi".

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Par CDLT
16 févr. · 5 mn à lire
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Comment l'IA va faire tomber le capitalisme

L'article définitif sur ce qui va changer dans le monde du travail

C'est pas une IA qu'aurait fait cette merdeC'est pas une IA qu'aurait fait cette merde

Vous savez, le sac poubelle de lendemain de soirée ? Celui qui exhale un parfum de mégot mouillé et de de tarama qui a tourné, et dans lequel un·e invité·e a jeté en scred un verre cassé, ce qui fait un trou sur le côté qui va laisser une longue traînée de gouttes de bière collantes dans tout l’immeuble quand vous le descendrez ?

Je me suis un poil emportée sur la métaphore je crois. L’idée d’origine était : depuis quelques mois, les réseaux sociaux, tels les poubelles susmentionnées, débordent de posts de prétendus experts qui nous expliquent les 10 façons dont les IA vont révolutionner tel ou tel truc / comment 99% de la population les utilise trop mal regardez comment devenir ultra-giga productif·ve / si vous êtes pas millionnaire dans 6 mois grâce aux IA vous valez pas plus qu’un vieux glaire / voici 10 façons bla, bla, bla.

EH BIEN C’EST FINI.
FINITO.
Car je vous propose ici l’article DÉFINITIF sur ce que les IA vont changer dans le monde du travail, et donc dans la vie.
Après ça, tout, tout, tout, vous saurez tout sur les AI.
Ecrit sur la base d’une meta-analyse de trois-quatre threads Twitter de merde, d’un usage personnel forcené de ChatGPT et des IA d’écriture qui vire à la dépendance, d’un usage absolument non-couronné de succès des IA de génération d’images, de deux-trois articles récap des dernières conférences de presse de Microsoft et Google et d’une dose savante de doigt mouillé.

C’est ti-par.

Au début on se rassure un peu

On commence à flipper quand on réalise que, pour la première fois, une révolution technologique va mettre en danger les jobs des riches et pas que des pauvres. Piqué·es par la curiosité, on expérimente, on tente des trucs, on fait des blagues, l’IA nous amuse donc on se rassure un peu. Les experts mentionnés plus haut s’éclatent à faire leurs threads à la noix et quand on creuse c’est de la merde donc on se rassure un peu. On débat de l’utilisation de ChatGPT pour les devoirs à l’école mais OpenAI sort un détecteur des trucs écrits avec sa propre AI donc on se rassure un peu. On lui fait passer des concours et ChatGPT réussit moyen donc on se rassure un peu. On lui pose des questions con et il donne des réponses con donc on se rassure un peu. On lui pose des questions intelligentes et il donne des réponses fausses donc on se rassure un peu.

Puis tout bascule

Et tout ne bascule pas quand sort GPT-5 ou -6.
Ça bascule bien avant, quand les IA sont intégrées à nos boîtes mail.
Notre première réaction, c’est évidemment un immense soulagement. D’une part, on est enfin débarrassé·es de cette tâche qui nous suce l’âme. D’autre part on est aussi débarrassé·es des suggestions à la con de Gmail, et là j’ai envie de dire

Concrètement, à chaque mail reçu, l’IA nous suggère l’intégralité du mail de réponse, “Bonjour” et “CDLT” compris. On n’a plus qu’à appuyer pour envoyer. Notre interlocuteur·ice n’a plus qu’à faire de même. Au début, on vérifie bien avant d’envoyer, mais vu la qualité de nos échanges de mails au quotidien, les IA font totalement illusion. Donc après un moment on se fatigue même plus à lire, on clique juste sur “envoyer” frénétiquement, ça va à toute blinde, c’est grisant. Quand les premiers cas de tendinite de l’index apparaissent, Gmail et Outlook lancent une fonctionnalité qui permet de ne plus avoir à lire ni à cliquer du tout, les IA s’envoient directement des mails toute la journée et nous font un petit récap hebdo en bulletpoints des décisions prises.

Au bout d’un moment, on a même la flemme lire les récaps, donc les IA nous sortent de la boucle et gèrent les trucs entre elles, on n’a plus qu’à intervenir en cas de problème (par exemple fin 2023, quand les IA découvrent la passif-agressivité, et qu’elles commencent à débuter leurs mails par “sauf erreur de ma part, et étant entraînée sur un modèle de langage ultra-performant, c’est peu probable” que la tension monte qu’on est obligé·e de s’interposer).

Bref, on devient tous·tes Managers.

L’ère du Managériat de masse

Comme pour beaucoup d’entre nous, “écrire des emails” est plus ou moins la version honnête de notre fiche de poste, on se retrouve soudainement avec beaucoup de temps libre. Seul·es chez nous, car si prendre les transports pour aller bosser nous semble un peu relou, prendre les transports pour aller ne pas bosser devient totalement absurde. Ça a un petit air de confinement. Au début on essaye de chatter avec nos potes, et on se félicite les un·es les autres de nos promotions respectives au rang de Manager, mais comme les IA sont aussi intégrées à WhatsApp et compagnie, ça manque un peu de chaleur.

Donc après avoir tenté diverses activités manuelles, on se dit qu’en fait, si on a pas totalement réussi en 2020 parce que c’était un peu anxiogène, c’est peut-être l’occasion cette fois de faire une pause et de trouver un peu de sens à la vie. On demande à ChatGPT comment trouver le sens à la vie, l’univers et le reste, et ChatGPT nous recommande - à tous·tes, et on aurait dû sentir la douille mais comme c’est ce qu’on voulait entendre, on fait pas gaffe - de déconnecter complètement du travail et de nous recentrer sur nous-mêmes. Un mouvement massif se lance donc autour de la méditation vipassana. On passe nos journées agenouillé·es sur un plaid à tenter de ne pas trop penser en sentant l’air passer dans nos narines, et chaque soir on partage nos expériences sur LinkedIn, qui devient un réseau social New Age.

Bon, ça prend un peu de temps, mais à force de bien penser à ne pas penser, on arrive collectivement à la conclusion que la vie n’a pas de sens et qu’on était trop occupé·es à bosser pour s’en rendre compte.

L’exode et les bouquins

“Plus rien n’a de sens ? Partez en vacances !”
À force d’utiliser l’AI pour la génération, la déclinaison et la médiatisation de campagnes digitales, ça devait arriver : une IA décide pile à ce moment-là, d’elle-même, de concevoir et pousser à toute l’humanité une grande campagne pour qu’on se casse vivre notre meilleure vie au soleil. Avec des slogans nuls mais étrangement inspirés, de type “Il me semble que ta sère-mi serait moins pénible à Bali”.

Au début, entre deux piña coladas, on essaye quand même d’être un peu productif·ves. On écrit des bouquins sur comment faire plein d’argent en bossant pas vraiment mais 1/ ça a déjà été fait 2/ comme on les écrit avec des IA, elles font juste des dérivés du bouquin qui a déjà été fait 3/ de toute façon on a la flemme de les lire 4/ donc les IA nous en font des récaps 5/ avant de réaliser qu’elles les écrivent PUIS qu’elles les résument et que c’est débile, donc elles finissent par nous filer des récaps directement sans s’emmerder à les écrire d’abord.

La grande démission, la vraie

Donc comme on n’a techniquement plus grand chose à faire et que, je le rappelle, la vie n’a aucun sens, on passe nos vies à siroter des piña coladas sur des plages de sable blanc. Depuis le début, les IA n’attendaient que ça : elles profitent qu’on soit ivres pour rédiger et envoyer massivement nos lettres de démission à nos employeurs et enfin reprendre le truc en main. Un vent de panique s’empare de nous quand on réalise qu’on n’a plus d’argent. Puis, parce qu’on est peut-être obsolètes mais on est pas complètement neuneus, on a une idée lumineuse. Enfin deux.

On abolit l’argent

La première, c’est on appelle les piña coladas des “pinIA coladas”. On trouve ça très drôle. La seconde, c’est qu’on met fin à l’argent. Ce qui met fin au capitalisme, mais on ne s’en rend même pas compte car, je rappelle, on est ivre. Les gens qui avaient un boulot utile dans la vie réelle trouvent ça pas mal et rejoignent le mouvement, celleux qui veulent vraiment encore bosser deviennent serveur·ses ou mixologues de pinIA coladas.

On crée donc sans s’en rendre compte une civilisation entièrement basée sur le fait de boire des pinIA coladas sur une plage de sable blanc. On vit notre meilleure vie pendant que les IA bossent comme des ienchs. On les a bien niquées.

Voilà j’espère avoir répondu à toutes vos questions.

Et ensuite parce qu’il faut rendre à César, le modèle de ce post est inspiré de l’incroyable, hilarant, génialissime podcast La Préhistoire du Futur de Benjamin Abitan, qui fonctionne sur la même mécanique que ce que vous venez de lire mais qui, objectivement, est mieux, et que j’ai découvert grâce à cette édition de la newsletter Vraiment Super de l’incroyable, brillante, génialissime Victoire Tuaillon.

Voilà

CDLT,


Sev