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Hater-generated content bi-mensuel sur le monde du travail. Sort le jeudi mais le mood est "comme un lundi".

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Par CDLT
29 sept. · 5 mn à lire
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Le bullshit corpo ne prend pas de vacances

Ça pique pas, ça RH

Publié initialement le 05 septembre 2022

Je sais pas vous, mais moi cet été, en attendant de partir moi-même en vacances (c’était super, merci, et vous ?) je traînais sur Twitter dépeuplé en déplorant que ça soit si chiant, mais maintenant que les gens sont rentrés et ont commencé à se battre à nouveau, je regrette.

Heureusement, les réseaux sociaux ne nous ont pas totalement abandonné·es pendant les vacances.

Car cet été comme tous les autres, les médias ont dégainé leur arme secrète, j’ai nommé :

✨ LES DÉBATS ESTIVAUX À LA CON ✨

Ces articles sans aucun intérêt, sans le moindre fond, qui mettent en avant une tendance/un problème généralement inventés, sans aucune autre prétention que de faire réagir sur les réseaux, idéalement juste sur la base de leur titre.

Et bizarrement, cette année, beaucoup de ces ✨DÉBATS ESTIVAUX À LA CON✨ ont tourné autour des RH.

J’ai donc eu envie de commencer l’année scolaire par un petit récap des conneries qui se sont racontées cet été et de partager mon avis absolument non-sollicité à ce sujet, comme il se doit (du travail).

Les mad skills

Source ? Notamment ce truc d’Usbek et Rica.

Le drame de celui-là, c’est qu’il n’est pas totalement inventé, puisque (je vous laisse googler, je vais pas en plus leur faire du clic) beaucoup trop de blogs et sites RH pétés prodiguent des conseils pétés sur ce sujet pété.

Le topo : les recruteurs n’en ont plus assez de vos hard et soft skills, il leur faut désormais des ✨mad skills✨, ces trucs qui vous rendent unique, un peu edgy, MAIS PAS TROP. Un loisir chelou, une expérience traumatique, n’importe quoi, que vous soyez le·la plus grand·e expert·e mondial·e de la correspondance d’Asimov, que vous ayiez vécu un deuil ou que vous ayez une maladie rare, peu importe, il faut de la déviance, mais positive, attention, dans les limites du pas trop malaisant.

Évidemment, cela va sans dire mais ça va mieux en le disant : si un jour quelqu’un vous demande vos mad skills en entretien, vous êtes tout à fait légitime à déféquer sur son bureau (ou sur le vôtre si l’entretien est sur Skype) (car oui les gens qui adoptent ce genre de tendance sont celleux qui utilisent encore Skype, c’est prouvé) et à vous barrer en courant.

Mais derrière ce nouveau trend qui débarque sur les meilleurs intranets, posts Linkedin et groupes Facebook d’entraide-réseautage corpo en France il y a je trouve quelque chose d’assez encourageant. Si on y pense, ça veut dire que même les plus éclatés au sol des DRH commencent à comprendre qu’un CV ne fait pas une personne, et encore moins la personne avec qui on bossera le mieux, et que des diplômes ne font plus une carrière, et que des CDI non plus, enfin bref commencent à se rendre compte que le monde change, même s’iels le font de traviole avec des concepts qui puent le calendos.

Les tracances

Source? Ce reportage bien nullos sur France 2.

Bon, ça vous n’avez pas dû y couper, sauf si vous étiez en retraite détox yoga ou chez les moines.

Le topo : apparemment, les Français adoptent cette nouvelle tendance qui est de prolonger un peu les vacances, en y restant pour travailler à distance une semaine de plus.Mal comprise, la notion (bullshitée plus ou moins par une agence RP pour une boîte d’aménagement des lieux de travail) a été interprétée comme “travailler pendant les vacances” et a tourné pendant des semaines en posts véner sur les RS. Ce qui était évidemment le but. Ce qui est évidemment un problème, mais qui n’était pas le sujet.Le concept n’est ni faux ni mauvais en soi. On s’en bat un peu les steaks, surtout.
Le problème, si je peux me permettre n’étant pas experte du branding mais ayant deux neurones, c’est ce mot : les tracances.
Mais. Quel. Nom. De. Merde.Le truc sonne comme un mauvais raclement de gorge de début d’angine et n’évoque que des choses négatives, belle perf.
Quitte à tenter d’inventer une nouvelle notion pour pouvoir, comme Momo avec l’ubérisation, se la péter dans les dîners en ville, autant lui donner une chance de survivre plus de 10 minutes.

Le quiet quitting

Ma préférée.

Source? C’est partout, et évidemmentça nous vient des US.

Le topo : petit frère pernicieux de laGrande Démission(ouais je m’auto-référence, y’a quoi?), le Quiet Quitting, c’est tous·tes ces traîtres à la cause qui décident, plutôt que de quitter leur taf, de ne plus faire que le strict minimum, histoire de, par exemple, éviter le burnout, la déception, et avoir le temps et l’énergie de profiter de la vie.

Ça, j’adore. Le trend est parti de Tik Tok, où des gens, après s’être vu refuser des augmentations et mettre en burnout, ont compris rapidement la douille et ont décidé de la retourner à l’envoyeur, et surtout, d’en parler (parce qu’avant, on appelait ça des passagers clandestins et c’était pas un titre de gloire). Car oui, à part l’échelle et le branding, au final rien de bien nouveau sous le soleil. Ce qui est vraiment beau, c’est la panique du monde corporate, qui se sent trahi. C’est presque poétique, cet aveu qu’on a un business model qui ne tient que sur le fait de faire faire à des gens plus que ce pour quoi iels sont payés.

Bref

Ce qui est intéressant quand on essaye de lire entre les lignes floues de tout cet amas de bullshit, c’est que ces concepts sont des étiquettes nazes collée de travers sur des vrais mouvements de fond. Au final, elles tentent tout de même d’agripper un peu de ce qui est probablement le plus grand changement (je veux dire, à part une crise économique d’une violence absolue of course) que la pandémie ait apporté à la société : un bouleversement profond de notre rapport au travail.

Pour les espoirs “monde d’après” de retour à l’essentiel et de création d’un modèle de société plus vertueux, plus écologique et tutti quanti, on pourra repasser. Mais on ne peut pas nier que la pandémie a été un énorme fast forward sur les mutations du travail, et qu’on a questionné énormément de choses qui semblait acquises et inamovibles, quitte à faire rager les anciens. Alors pas partout, pas dans tous les secteurs, évidemment. Mais au global, sur son format, sur son rôle dans la société, sur sa place dans nos vies, le taf a fait un 360 dont on ressort tous·tes un peu étourdi·es et pas totalement mécontent·es. Et c’est pas parti pour arrêter de tourner.

Donc bref, s’il fallait retenir trois choses de ce TTFO :

  • je vous apprends rien, hein, mais dans un monde idéal, si on arrêtait de jumper sur tous les concepts éclatés pondus par les médias en ligne pour faire du clic, peut-être qu’ils pourraient s’occuper de trucs plus intéressants

  • les sujets RH pourraves quittent la sphère de LinkedIn pour entrer dans le débat mainstream, c’est à la fois bien et pas top

  • je reviens de vacances beaucoup trop peace et positive, mais rassurez-vous ça ne va pas durer

Bisous,

Sev