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Hater-generated content bi-mensuel sur le monde du travail. Sort le jeudi mais le mood est "comme un lundi".

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Par CDLT
1 août · 5 mn à lire
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Où télétravailler pour des visios qui font chier les collègues

Maximisez votre potentiel relou en distanciel

Nous entrons en programmation d’été avec un premier article tout à fait gratuit et inutile.
Car CDLT c’est un peu comme une cérémonie d’ouverture des JO réussie : on passe du choeur de Radio France (= l’article sur le SMIC) à un schtroumpf en slibard décloché devant un banquet de drags (= cet article), juste parce que c’est possible.

ARRÊTEZ TOUT JE VIENS D’AVOIR UNE IDÉE !

Qui dit “été” dit “série de l’été” non ?
L’été dernier j’ai fait un cahier de jeux de vacances (avec des mots-croisés, un quiz et un petit Wordle), il semble logique de poursuivre avec un autre incontournable du divertissement estival. Que diriez-vous d’une fiction de l’été ? En 4 épisodes hebdomadaires ? En août ? Starting next week ? Sur le monde du travail évidemment ?

Car oui, le sachiez-vous, quand j’ai 5 minutes libres entre une direction d’entreprise, une newsletter, une vie sociale et un compte Insta, j’écris de la fiction.

Voici le pitch : À la recherche du time perdu suit la quête d’Elodie, qui doit ABSOLUMENT remplir ses timesheets avant de partir en vacances, mais est saisie d’une amnésie totale sur ce qu’elle a fait le mois écoulé. Elle a 4 jours pour mener l’enquête sur ce qu’elle a fait ces 4 dernières semaines, sous peine de ne pas recevoir son salaire avant de partir en Grèce.

Bien sûr que j’ai eu l’idée hier et que je me suis chauffée en last minute. Vu que c’est vos boîtes mails qui vont subir, je vous donne le droit de choisir si ça vous chauffe ou pas en répondant à ce sondage (ces résultats m’engagent, je vais pas vous faire le coup de la trêve olympique).

Vous imaginez quand même : en quatre petites années, on a entièrement redéfini le concept de “réunion”.

Un jour, on devra expliquer à nos gosses qu’une réunion à l’époque ça voulait dire qu’on s’enfermait à plusieurs dans la même pièce jusqu’à ce que mort s’ensuive. Quand quelqu’un était à distance, on utilisait une “pieuvre” ce qui n’est rien d’autre qu’un gros téléphone noir au son pourri qui marche jamais. Ça leur semblera improbable, peut-être autant que le fait que pour parler à nos copains d’école, on appelait sur le fixe et on devait faire du small talk avec leurs darons en attendant leur arrivée. Ou que M6 diffusait les séries dans n’importe quel ordre. Ou que quand écoutait en boucle notre chanson préférée sur une cassette, on apprenait à savoir intuitivement exactement combien de temps rembobiner pour revenir pile au début du morceau.

Bref, maintenant une réunion, c’est un concept flou, pardon on dit “hybride”, impliquant les bruits de travaux des voisins, des gens qui sont “sur place” (mais ça signifie juste qu’iels doivent se tasser à plusieurs derrière le même écran), des arrivées de livreurs, et des personnes qui savent pas qu’elles sont en mute. Ajoutons l’apparition des néologismes ignobles que sont “présentiel” et “distanciel”.

J’ai déjà fait un article sur les comportements insupportables que le remote a déchaînés, et un post Insta sur le déroulé de toute visio pétée qui se respecte.

Mais voilà, il y a un aspect consubstantiel (car ce n’est pas parce que cet article est du pur lol gratos qu’on ne peut pas utiliser de mots compliqués) (d’ailleurs je viens de décider que je vais intégrer le max de mots soutenus dans ce post, une sorte de mashup de divertissement et de tradition littéraire, comme Aya qui sort de l’Académie) à toute réunion en visio aujourd’hui : le background des participant·es fait partie intégrante de l’expérience. Il est noté (“ben on s’en fait pas”), observé (“j’aurais pas choisi cette couleur de mur”), parfois commenté, et son impact n’est pas du tout négligeable. J’irais même jusqu’à dire que le lieu d’où on assure une conf call a un pouvoir - principalement de nuisance - tout à fait considérable.

Ce qui me donne envie de me rendre utile, avec un guide pratique à destination des gens qui ne peuvent pas saquer leurs collègues et se sont donné pour mission de leur pourrir la vie de la façon la plus socialement acceptable possible. Selon une étude, c’est une cible niche, car 93% des gens disent apprécier leurs collègues. Selon Ipsauce-CDLT c’est du gros pip, de la pure affabulation et les répondant·es sont une belle bande de faux-culs tartuffes.

Je vais donc vous énumérer exhaustivement, à toutes fins utiles, les backgrounds idéaux pour assurer un potentiel d’exaspération maximal auprès de vos interlocuteur·ices.

5 - Un coffee shop bobo de merde

Un grand classique. Ce qui est génial quand on y pense, c’est que télétravailler d’un coffee shop est communément accepté alors que c’est l’un des endroits au monde les plus antithétiques à la tenue d’une visio supportable.

Mais attention, si vous voulez faire ça bien (c’est-à-dire mal), il faut bien choisir le lieu du crime. Trouvez le coffee shop bobo-concept qui combine :

  • un plafond haut type loft industriel avec des gros tuyaux en métal pour une résonance maximale.

  • une bonne grosse machine à café italienne qui fait pschhhh puis crrrrcrrrcrrrr et où le barista doit taper le porte-filtre sur l’évier pour faire tomber le marc, garantissant une intensité acoustique de chantier de démolition.

  • d’autres bobos de merde qui bossent sur leur startup de réparation de vélos en conciergerie DTC en brainsto à la table d’à côté, pour assurer un tapis sonore intolérable nécessitant de se mettre en mute entre deux interventions.

Ne vous mettez pas en mute entre deux interventions. Pour parfaire le tableau, passez commande durant le call d’une viennoiserie génératrice de miettes que vous consommerez de façon répugnante en gros plan et stéréo pendant la réunion.

4 - Un aéroport

L’aéroport c’est imparable, parce que ça ne peut signifier que deux choses :

  • soit vous êtes quelqu’un de busy qui work hard et vous êtes obligé·e d’assurer des réunions “en mobilité” car votre avis est tellement important qu’on ne peut pas se passer de vous et qu’on veut extraire la substantifique moelle de votre cerveau avant un mode avion forcé de plusieurs heures qui met en péril la subsistance même de l’entreprise.

  • soit vous vous apprêtez à partir en vacances et vous gratifiez généreusement l’audience de dernières secondes de votre présence officielle (car votre avis est tellement important etc.). Dans ce cas, n’oubliez pas de mentionner plusieurs fois votre destination.

L’idéal serait de faire votre visio directement à côté des pistes, mais c’est pas très Vigipirate. À défaut, placez-vous sous les hauts-parleurs à l’embarquement, idéalement ceux d’un vol avec beaucoup d’annonces de retard (privilégiez Ryanair ou Easyjet).

3 - La rue

J’en ai déjà parlé alors je vais me contenter d’apporter quelques précisions pour vous aider à atteindre l’insupportabilité optimale (ce qui ne sera pas difficile pour vous si vous êtes le genre de personne à faire des réunions au téléphone à l’extérieur) :

  • le matériel : favorisez un micro à la captation la plus spatalisée-surround-panoramique possible. On veut offrir rien de moins qu’une immersion sensorielle 3D en enfer. A défaut, des écouteurs filaires qui frottent sur vos vêtements feront l’affaire.

  • l’environnement : émaillez votre trajet d’artères à forte circulation, de transports en commun (petit bonus pour la 4G qui coupe), de cours d’école à l’heure de la récré et de chantiers de travaux publics, le top du top étant une manif ou une Pride mais pour ça il faut une organisation sans faille (à coeur vaillant rien n’est impossible)

  • les conditions météo : le vent est votre ami. On cherche des rafales multidirectionnelles de type “régie de JT en mer suivant Olivier de Kersauson sur un multicoque en pleine tempête”

2 - En voiture

Evidemment, l’idée c’est que c’est vous qui conduisez.

Ce qui est intéressant avec la voiture, c’est que l’agacement que vous générerez ne proviendra pas du niveau sonore mais de votre attention flottante. Avec entre 70% et 90% de vos capacités intellectuelles concentrées sur la route, cela laisse, en toute détente, à vos interlocuteurs le délice de faire la conversation avec ce qui reste, c’est-à-dire plus ou moins un enfant de 5 ans post-sugar rush incapable de comprendre la teneur générale de l’échange et ayant besoin de 3 à 4 secondes pour répondre à toute question le temps que l’info monte au cerveau.

Bien sûr, n’hésitez pas à disserter à voix haute sur la conduite des autres personnes sur la route, voire à les invectiver à grands coups d’insultes problématiques touchant à leur orientation sexuelle, leur maman ou leur féminité réelle ou supposée.

1 - Une maison de vacances

Rien, absolument rien n’égalera jamais le seum généré par ce cadre de visio idyllique.

D’ailleurs vous ne vous y trompez pas, vous qui assurez ce call avec derrière vous non pas un mur (car pardon, j’ai pas fact-checké, mais toute maison de vacances a des murs) mais au choix, une piscine, un jardin ou un panorama imprenable sur un paysage de rêve.

La magie de “télétravailler” d’une maison de vacances, c’est que ça rappelle instantanément ce bon vieux trauma du Covid, où on a réalisé qu’il y avait deux catégories de personnes : celles qui ont une résidence secondaire, et celles qui ont mal au dos.

L’autre féérie ineffable de la maison de vacances, c’est ce que je tenterais de qualifier d’effet White Lotus. Je sais pas vous, mais regarder cette série va directement puiser chez moi dans un imaginaire estival enfoui la plupart du temps et exhumé seulement quelques fois dans l’année. Ça tient à quelques détails : la vie rythmée par les repas et la journée qui commence avec un long petit-dej, l’impression de s’immerger dans une culture alors qu’on ne parle qu’à des employé·es du tertiaire, la difficulté d’arbitrer chaque jour entre “ne rien foutre” et “visiter des trucs”, tous ces petits détails d’une vie balnéaire idéale parallèle qui existe en nous, mais qu’on refoule pour parvenir à nous lever le matin le reste de l’année.

Eh bien prendre un call d’une maison de vacances, c’est offrir aux autres un bout d’effet White Lotus mais en petites touches ultra-sensorielles. Tout y est : la vue (le soleil dans vos yeux, vos cheveux raidis par l’eau de mer/le chlore), l’olfaction (“ah faut que j’y aille le dej est prêt, ce midi c’est barbecue” ET PAF on la sent la merguez qui jute sur son lit de charbon), à l’audition (plouf dans la piscine, cigales, assiettes qu’on dépose au loin sur la table en bois), le toucher (maillot de bain qui serre sous les vêtements, pieds dans l’herbe, eau fraîche sur peau brûlante), le goût (cf. barbecue, “vraies tomates”, rosé).

Prendre une visio d’une maison de vacances dessine les contours d’une cruauté solaire qui touche au sublime, j’ai envie de dire bravo.

Bravo.

CDLT,

Sev

Le sondage est re-là.
Ptêt à la semaine prochaine, ptêt à dans un mois ON SAIT PAS.