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Hater-generated content bi-mensuel sur le monde du travail. Sort le jeudi mais le mood est "comme un lundi".

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Par CDLT
19 oct. · 6 mn à lire
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Vacances j'oublie rien

"Et surtout dé-con-necte"

Avec une majorité absolument absolue de 56,4% des votes, c'est CDLT qui l'emporte. Le peuple a envoyé un message clair, et il est de notre responsabilité de l'entendre. Aussi, c'était notre option préférée donc ça tombe bien. Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, c'est Mag qui nous offre le TT... CDLT du jour.

Je vous vois dire "on est mi-octobre c’est terminé les vacances, on est passé aux cols roulés du plan de sobriété énergétique et aux cadeaux de Noël".

C’est juste que j’ai pris des vacances tardivement qui ont terminé tardivement, j’ai donc encore un peu la tête dedans, en plus d’avoir un teint pas encore totalement cachet d’aspirine.
Comme j’ai eu la chance de pouvoir TOTALEMENT déconnecter pendant mes vacances (pas même de "tracances" à l’horizon), je me suis dit que c’était le bon moment pour revenir sur la nécessité absolue que sont les vacances.

Car elles sont encore et toujours LE moment propice pour faire le point sur une situation professionnelle : nos états pré-pendant-post vacances en disent long sur notre moral en entreprise. Cette prise de recul, au-delà d’être vitale pour la santé mentale des salariés, est en réalité tout aussi importante pour les entreprises.
Est-ce qu’on ne s’éviterait pas quand même un peu de Quiet Quitting si on foutait la paix aux gens en vacances ? Si on laissait les gens partir un peu plus en vacances tout court ? Si on leur laissait l’espace de réflexion dont ils ont besoin pour s’interroger sur leur bien-être, leurs projets de vie, leurs projets de carrière ? Et mieux, l’espace pour qu’ils trouvent des réponses ?

Alors, puisque dans la com on ADORE les rétroplannings, j’ai eu envie de poser...

Le rétroplanning des vacances de l'enfer

Celui qu'on a tous·tes connu dans les boîtes qui disent "et surtout déconnecte" mais que ça arrange pas mal qu'on déconnecte pas trop quand même.

J-7 avant le départ en vacances

Ça y est, t’es arrivé·e au moment où il est politiquement accepté de mettre ton équipe en copie de tous tes mails. Tu ouvres un doc partagé « Fruit de la passation ☀️ » que tu as prévu d’updater jusqu’à la dernière minute et tu as calé un point dans les agendas de tout le monde. Tes collègues t’en parlent tous les jours, tu ne penses plus qu’à ça : tout ce à quoi tu dois penser.

J-3

La moitié de la boîte continue de te filer des sujets dans un joyeux déni collectif. Et comme t’aimes pas laisser les gens tomber, tu les acceptes : "ça va, dans 3 jours je me repose". Ta charge mentale est aussi lourde qu’une chronique TPMP, tu rêves de boulot, que tu perds tes dents en prez, et ton niveau de stress commence à crever le plafond. Attends, t’as pensé à prévenir la gardienne d’immeuble que tu partais ?

J-1

Ta vie est une course et ton entourage a hâte que tu sois en vacances. Vraiment hâte. Faut partir maintenant merci. Il est 13h, t’as toujours pas levé le cul de ta chaise, et tu vas manger un sandwich trop mou sur un coin de bureau pour finaliser quelques docs, ça fera ça de moins à faire pour les autres. Surtout, ne pas oublier de pré-mâcher tout ce que tu peux à ton manager. Tu envoies ton doc de passation précisant où te joindre en cas de besoin et tu paramètres ton message d’absence.

J+1

Tu te réveilles à 3h du mat en sueur : "merde, est-ce que je leur ai dit qu’il fallait qu’ils uploadent le doc avant jeudi ?" À 9h, tu te connectes rapidos pour vérifier que tu y avais bien pensé. Oui, ouf. Tu coupes tes notifs email et Slack sur ton iPhone, mais c’est plus safe de ne pas se déconnecter. C’est pas comme si t’allais checker tes emails ça va.

J+3

Quelqu’un est "désolé·e de te déranger pendant tes congés bien mérités" mais si tu pouvais quand même lui dire où est rangée la dernière version de la prez avec les feedbacks clients ça l’aidera. "Vraiment désolé·e hein profite bien surtout et dé-con-necte."

J+8

YES, tu te sens enfin en vacances. Il t’a fallu une bonne semaine pour te sentir dedans, mais ça y est, tu commences à profiter. Bon t’as répondu à 3-4 SMS pour dire "désolé·e je suis en congés 🙂"  ou lever 2-3 doutes, rien de bien méchant. Puis bon, c’est rassurant de voir qu’ils ont besoin de toi quand même.

J+10, J+12, J+13

Petit check furtif sur les e-mails pour s’assurer que les éventuels incendies ont été éteints. Évidemment, on t’a laissé quelques sujets prio à gérer à ton retour.

J-2 avant la reprise

Tu te dis que faire un premier tri dans tes emails et tes notifs ce sera ça en moins à faire lundi. 640 emails. Ah, quand même, c’est pas mal. Plus que l’an dernier. Tu mets un petit drapeau sur les emails prio, tu souffles en lisant les sujets qui ont été gérés avec les pieds. Tu savais que ça allait mal se passer ce truc. Mais bon on verra lundi. En plus va falloir que tu sois au taquet, après 15 jours t’es supposé·e être frais·îche et reposé·e.

J-1

Ta to-do tourne en boucle dans ta tête, impossible de t’endormir avant 2h du mat.

La reprise

"Alors, t’as profité ? T’as bronzé dis donc ! T’es bien bien reposé·e j’espère hein ? Parce que tu nous as manqué hein, bon on a avancé mais y a pas mal de choses sur le feu, il y a des trucs qui pouvaient attendre ton retour donc je te les ai laissés. Je te laisse regarder tout ça ? On se fait un point dans 1h ?"

Bref,

Depuis bientôt deux ans maintenant, mon rétroplanning se limite à gérer une bonne passation et à reprendre en douceur, sans aucune interférence entre les deux. Et je me rends compte que la déconnexion est bel et bien un luxe qui ne devrait pas en être un.

Il y a une différence entre s'entendre dire qu'il faut profiter de ses vacances, et être mis·e dans les conditions de vraiment en profiter. C'est un sujet de culture d'entreprise et un sujet structurel : sentir qu’on doit garder une forme de contrôle pour que tout ne s’écroule pas en notre absence est surtout la preuve d’un manque de formation des équipes ou de suivi du management.

Et ne commencez même pas à me brancher sur les questions liées à sa place dans la boite : "est-ce qu’on aura pris mon poste en mon absence ?" "est-ce que je vais devenir dispensable ?" qui ne sont que la démonstration d’une culture compétitive toxique qui valorise les heures passées à travailler plutôt que les résultats.  

Il y a donc fort à parier que l'incapacité à déconnecter totalement soit davantage liée à l’environnement de travail qu'à un éventuel "workaholisme" (oui j’ai osé le mot, jugez-moi).

J’ai lu ou entendu il y a peu (désolée pour ce manque total de source) qu’une entreprise qui ne peut pas fonctionner efficacement en l’absence d’une personne n’est pas une organisation, mais un château de cartes.

Et comme j'ai toujours été plus chevalier que dame de coeur, dorénavant ce sera château fort. 

CDLT,

Mag