🤶 En galère pour Secret Santa ? Le shop de cadeaux passifs-agressifs CDLT est là pour ça.
J’avais écrit un article maxi-philo sur le sens du devoir appliqué au travail, mais déjà j’avais envie de lol, et puis surtout soudain, c’était décembre. Et moi en décembre, j’ai un peu le démon du bilan. Une envie soudaine de tirer des leçons sur la vie. C’est plus fort que moi.
Si vous faites un de ces métiers où il est courant de se faire kidnapper pendant des demi-journées entières pour des “workshops” et autres “ateliers de co-construction” (oui, “kidnapper”, parce qu’autant la “prise d’otages” est une métaphore abusive concernant les grèves, autant enfermer de force 8 personnes à bout de nerfs dans une pièce sous le joug d’un tortionnaire aux pleins pouvoirs, je vois pas comment vous voulez appeler ça), alors déjà 1/ je suis désolée 2/ vous connaissez peut-être cet atelier au doux nom de “Start-Stop-Continue”.
Mais siiii. C’est un workshop de rétrospective visant à dégager une liste d’actions à mettre en oeuvre dans le cadre d’une démarche d’amélioration continue. Une sorte de méta-analyse collective des synergies, bloquants, opportunités qui peut s’avérer un véritable levier de transformation organique des dynamiques organisationnelles.
En français, c’est un tableau avec trois colonnes qu’on remplit à l’échelle d’un projet, d’une équipe, d’une structure. Start : ce qu’il faudrait qu’on commence à faire, Stop : ce qu’il faudrait vraiment qu’on arrête de faire, et Continue : ce qu’il faudrait… vous l’avez.
Et moi, j’ai envie l’espace d’un article de devenir votre facilitatrice, de vous fourrer des petits post-its dans les mains, de vous dire qu’il n’y a pas de mauvaises idées, et de phosphorer avec vous à l’échelle du monde du travail, en nous posant la question : dans un monde idéal, en 2025 dans le travail, qu’est-ce qu’on start, stop, continue ? Evidemment, vous me connaissez, la partie Stop sera la plus fournie.
🔴 STOP : qu’est-ce qu’on arrête en 2025 ?
1/ “Cette réunion aurait pu être un email”
Je parle de l’expression. Si j’en crois une analyse Google Trends sur 20 ans, elle a connu un pic de popularité… en 2010 (et, c’est “rigolo”, en mars 2020). Ce qui dresse un constat très clair : cette blague n’a pas aidé à régler le problème. On a beau l’avoir imprimée sur des carnets, des mugs, des pin’s, des pulls et des casquettes, il semblerait que le message ne soit pas passé, c’est bizarre.
Moi dans l’absolu j’ai rien contre les blagues éculées, mais avec celle-là je pense qu’on a touché le fond. Oui, j’inclus également sa variante “This meeting could have been a fist fight” : changer un mot c’est de l’amélioration à la marge, du ripollinage de façade, moi je veux de l’innovation radicale.
Mes propositions sont simples : arrêter la vanne passif-agressive, ouvrir les vannes de la franche agressivité. Apprenons collectivement à dégainer des “Quel est l’objectif de cette réunion ?”, des “Pouvez-vous partager l’ordre du jour afin que je décide ou non d’accepter l’invitation ?”, des “Ma présence est-elle essentielle à ce point ?” et leur petit pote “Avons-nous vraiment besoin d’une heure entière pour ce status meeting où nous lisons tout haut ce qui est écrit dans l’Excel que nous avons sous les yeux ?”
2/ Le présentéisme
Je suis lasse (Christmas) du présentéisme.
On a atteint un niveau d’absurdité maximale sur le sujet dans ce pays : d’un côté TOUS LES GENS QUI BOSSENT sont d’accord pour dire que c’est une plaie. De l’autre, les gens qui font bosser les gens qui bossent continuent tacitement de juger l’engagement d’une personne au temps qu’elle passe à travailler.
Selon une étude Ipsos x Ourco, 74% des salarié·es se retrouvent au moins une fois par mois à être physiquement au travail mais absent·es mentalement. Selon un chiffre avancé par un psychologue dont je doute de la méthodo mais balek, le présentéisme représenterait 61% des coûts liés à la santé au travail pour les boîtes (because se forcer à être là quand on est malade/pas bien —> devenir plus malade/pas bien), contre 10% pour l’absentéisme.
En 2025, je rêve non pas d’une banque, mais d’un peuple qui se lève et qui se casse (ou qui ferme Slack/Teams et replie son son écran d’un coup sec, forcément le télétravail c’est moins spectaculaire).
3/ Les débats débiles sur le télétravail
Bon, ça j’en ai déjà parlé en long, en large et en travers, donc l’idée c’est pas de me répéter mais juste de mettre fin au débat une bonne fois pour toutes.
Je propose qu’on organise un grand procès du télétravail.
Du côté de l’accusation, évidemment y’aurait tous les grands patrons qui veulent forcer le retour au 100% présentiel, défendus par, tiens, au pif, Dupond-Moretti puisqu’il est re-dispo et qu’il adore les causes perdues. De l’autre côté, la majorité des gens qui travaillent et qui trouvent que l’hybride à minima ça marche très bien et qui voient pas le problème (va falloir une grande salle). Et pour la défense on s’en fout, même un Télétubby ivre caisse fera l’affaire.
J’pense en trois semaines le truc est torché et on passe enfin à autre chose.
4/ La “raison d’être” des entreprises
Et si - idée révolutionnaire - en 2025 on arrêtait de se mentir ?
Je nous accorde un truc : on aura essayé. La Loi Pacte en 2019 censée aider les entreprises à se doter d’une mission bénéfique pour le monde, c’était plein de belles intentions. 6 ans plus tard, on a bien compris qu’à moins que la mission sociétale ou environnementale fasse partie intégrante de la stratégie de la boîte, la “raison d’être” c’est juste un petit agglomérat de mots duveteux qui n’a pour vocation que de faire joli dans un rapport annuel, occuper un peu le département RSE, et tenter d’attirer des talents dont on s’imagine qu’iels sont en “quête de sens” ET assez teuteus pour croire, je cite :
Que Philipp Morris souhaite "Se mobiliser et innover pour permettre aux fumeurs adultes d’arrêter la cigarette en faisant de meilleurs choix"
Que le MEDEF souhaite "Agir pour une croissance responsable"
Que Total (j’appellerai jamais ça TotalEnertruc, cf. mon point plus haut sur le ripollinage) souhaite “Fournir au plus grand nombre une énergie plus abordable, plus disponible et plus durable”
Que Thalès pense que nous “Construisons ensemble un avenir de confiance”
5/ LinkedIn
Ouais, bon, je m’emballe peut-être un poil en espérant la disparition de ce réseau de l’enfer. Vu que toutes les personnes sensées ont passé les infos de leur profil Facebook en privé, si LinkedIn disparaît, on ne pourra plus savoir quel lycée ont fait les gens.
Une option serait de refaire de LinkedIn qu’il était à l’origine : juste une foutue CVthèque.
Une autre option serait l’instauration d’un permis à points LinkedIn. 12 points à l’inscription, et un barème des peines clair :
-1 point pour chaque citation de Steve Jobs
-2 points s’il y a plus de 15 retours à la ligne dans un post
-3 pour chaque selfie
-3 également pour l’utilisation du mot “bootcamp” ou “webinar”
-3 points pour un intitulé de poste contenant “ninja”, “architect”, “catalyst" ou commençant par “j’aide les XX à YY”
Retrait de permis pur et simple pour toute utilisation de ses enfants, que ce soit en photo ou dans le texte
6/ Les Secret Santa d’entreprise
Alors bien évidemment que je suis une grosse hypocrite, étant donné que j’ai créé une boutique entière dédiée aux Secret Santa de boîte, et que l’un des articles CDLT les plus intemporels depuis sa création fait son beurre sur le bail. Mais j’sais pas… autant j’ai une affection réelle et inexplicable pour la tradition des pulls moches de Noël, autant je crois qu’on mérite de cesser de s’infliger les Secret Santa corporate. Je veux dire, montée des fascismes, motion de censure, crise climatique, inflation, guerres, le monde est polarisé, divisé, à couteaux tirés, et c’est pas une bougie parfumée odeur “Ça sent la meuf qui gère” offerte à Josiane du procurement qui va régler ça.
🟠 CONTINUE : Qu’est-ce qu’on poursuit en 2025 ?
1/ Les chouquettes
Les chouquettes sont le sel le sucre de la vie professionnelle. Le ciment des relations entre collègues. Le lubrifiant qui fait passer les réunions trop matinales. La clé de voûte du présentiel. Moi ça me viendrait pas à l’idée d’acheter des chouquettes dans la vie civile, mais en revanche dans un contexte corporate c’est OUI. Les mini-viennoiseries, c’est cool mais ça produit trop de miettes pour un cadre pro, alors que les chouquettes, c’est une bouchée et un discret léchage de doigts en échange d’un micro-sugar rush plus que nécessaire en ces temps troublés. J’ai l’intime conviction que c’est l’existence des entreprises qui assure le maintien des chouquettes en boulangerie, et le maintien des chouquettes en boulangerie qui nous aide à supporter l’inanité du capitalisme.
2/ L’utilisation des emojis
Bien sûr que j’en fais des carrousels Insta moqueurs, mais la réalité c’est que l’emoji dans le cadre corporate est probablement le meilleur outil de productivité qu’on aie inventé. Pourquoi gâcher de précieuses secondes à tenter de formuler de façon professionnelle “Espèce de mycose d’orteil récidivante, et si tu lisais les mails avant de poser des questions débiles ?” quand on peut juste balancer un “cf. mail précédent 😉” ?
Le seul truc qui est non-optimal, c’est ce mail ridicule composé d’un unique emoji qu’on reçoit quand une personne utilisant un autre outil d’emailing que nous appose un emoji de réaction à notre message précédent. Mais j’ai bon espoir que les GAFAM soient sur le coup pour harmoniser tout ça en 2025. C’est top prio.
3/ Parler de santé mentale en entreprise
Forcément y’a une inconnue à l’heure où j’écris ces lignes : d’un côté, la santé mentale est proclamée Grande cause nationale de 2025, de l’autre est-ce que la Grande cause va survivre à un gouvernement à venir qui sera intrinsèquement mauvais pour la santé mentale ?
Mais en s’extrayant de ces considérations contextuelles, je crois fermement que si on lâche pas le sujet, on va finir par réussir à le traiter correctement. Et par correctement, j’entends trouver des solutions qui, idéalement, s’extraieraient de “Pour la semaine de la santé mentale, yoga gratuit dans la salle de repos et -10% sur Petit Bambou” pour, je ne sais pas, par exemple : favoriser l’accès à un accompagnement psy, respecter réellement le droit à la déconnexion, évaluer sérieusement l’impact des conditions de travail. Par exemple. Ou alors le yoga hein, you do you.
🟢 START : Qu’est-ce qu’on commence en 2025 ?
1/ La transparence radicale des données salariales
J’ai proposé plus haut qu’on arrête de se mentir.
Et il y a un moyen très simple d’y parvenir sans même avoir à compter sur l’honnêteté (parce que bon) : l’open data. Je propose qu’on arrête de croire sur parole les boîtes qui disent que “diversity is our priority”, que “we strive for gender equality in the workplace” et autres paroole paroole parooleee, et qu’on exige la publication annuelle de chiffres concrets, sur une bonne grosse plateforme point gouv Point Eff’hair (avouez, super nom de salon de coiffure), avec par exemple au pif :
Grilles des salaires réels par niveau/genre/âge, et écarts de rémunération
Augmentations et promotions sur l’année écoulée par niveau/genre/âge
Répartition homme/femme pour chaque niveau de poste
Contrairement à une idée reçue, y a des outils de mesure légaux de la diversité ethnique en entreprise sur la base du volontariat, donc j’propose qu’on fasse ça aussi tiens
Répartition de la masse salariale par tranche d’âge
Pourcentage de travailleurs handicapés
Ratio entre salaire le plus bas et le plus élevé
Turnover
Temps moyen passé à chercher une salle de réunion libre
Ça fera un bon début.
2/ Un bon gros test de la semaine de 4 jours
Bien sûr, à l’heure où on a considéré tout à fait normal de travailler un jour de plus chaque année sans rémunération, l’idée de travailler un jour de moins par semaine pour la même rémunération tient du doux rêve.
Mais j’pense que le vrai problème, c’est que “semaine de 4 jours” c’est pas assez vendeur : ça fait trop lutte finale, pas assez startup nation. Je suggère de procéder à un repackaging de l’idée, avec un naming de type “Optimisation temporelle du cycle de productivité hebdomadaire” et de lancer un Proof Of Concept. On n’a qu’a prototyper le bail dans une démarche de design thinking agile et user-centric pour challenger avec un open mind les paradigmes de la productivité. En bref, on fait un gros test en conditions du réel comme l’ont fait les Britanniques.
De là, on itère, on pivote, on scale, emballé c’est pesé.
3/ Dire les termes
En 2025, dans une optique de gain de temps et de transparence, je propose qu’on arrête définitivement les euphémismes corporate.
Dire “Machin est en burnout” ça fait gagner une bonne demi-seconde par rapport à “Machin est en arrêt maladie longue durée”. Accumulées sur une année, ça peut enfin nous libérer le temps de lire tous nos emails.
Dire “C’est une boîte d’esclavagistes” plutôt que “C’est une belle école”, ou “C’est un manager toxique” plutôt que “C’est un manager exigeant” ça fait gagner zéro temps à l’émetteur·ice, mais potentiellement 3 ans de vie à son·sa destinataire.
Allez, à dans deux semaines (je vais sûrement faire le truc sur le sens du devoir pour finir l’année sur une note chiante, comme ça je ne pourrai faire que mieux en 2025).
CDLT,
Sev
Laetitia POILVET Thu, 05 Dec 2024 09:22:20 GMT
Génial !