CDLT

Hater-generated content bi-mensuel sur le monde du travail. Sort le jeudi mais le mood est "comme un lundi".

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Par CDLT
27 avr. · 12 mn à lire
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Comment travailler moins ?

Les employeurs la détestent

Cette semaine j’étais partie sur un top Topito à la con et puis non, je me suis dit que vraiment la vie était déjà trop fun, j’ai donc pris un virage à 135° et tablé sur un article-fleuve, que j’ai voulu le moins sourcé possible mais j’ai pas réussi non plus.

Je crois qu’on est collectivement en train d’arriver au constat que la retraite c’est comme le prochain album de Frank Ocean : on ne sait pas vraiment si on peut l’attendre, même si on pouvait on ne sait pas pour quand, et puis si ça arrive ça sera probablement pas comme on imaginait. Ajoutons à ça que bon, perso la seule fois où je lis des dates au-delà de 2030 (à part dans les engagements RSE des entreprises bien sûr) c’est dans les résumés du rapport du GIEC, et elles sont toujours accompagnées d’un truc apocalyptique. Donc il semblerait qu’on soit - sauf exceptions de type santé, chômage ou être millionnaire - plutôt parti·es pour bosser jusqu’à ce qu’on n’en puisse plus ou jusqu’à la fin du monde.

Et donc on en arrive à la conclusion qu’en fait, vu qu’il n’y aura pas de carotte à la fin, ou qu’elle sera toute pourrie, ou PIRE, que ça sera un panais (je pense fermement que les “légumes oubliés” l’étaient pour une bonne raison) (gueulez si vous voulez, je défendrai cette opinion en duel si il faut), peut-être que ça ne sert à rien de se casser le cul en attendant mieux, et qu’on peut faire mieux tout de suite. Et faire mieux, ça implique d’adapter le travail à la vie.

Et donc, globalement, arrêtons de tourner autour du pot (l’emploi) : on se parle de travailler moins.

Ce qui est génial avec le concept de “travailler moins”, c’est que techniquement il peut amener à peu près tout groupe humain à s’étriper à base d’arrachage d’yeux et à se diviser en deux camps bien connus : le camp du “n’importe quoi, bande d’utopistes” et le camp du… l’autre camp, quoi, celui qu’en a ras-la-casquette.

Et donc, parce que j’aime bien être constructive (mais pas trop non plus), j’ai envie d’explorer plein de modèles intéressants et qui existent déjà de comment on peut travailler moins (mais surtout pas en profondeur) pour montrer que c’est pas non plus totalement irréaliste, comme idée. Vu que ça existe.

Commençons par des définitions

“Travailler moins”, c’est pas nouveau, et quand c’est pas trop une bonne nouvelle ça s’appelle le chômage (= travailler beaucoup moins) ou le temps partiel subi. Selon l’Observatoire des Inégalités, ça concerne bien sûr surtout les femmes, et un tiers des personnes en temps partiel aimeraient travailler plus.

Ici on va parler de travailler moins volontairement, pour avoir du temps pour autre chose. Il y a plusieurs façons de le faire, j’étais à deux doigts de vous refaire un mapping à l’écrit ou un tableau à double-entrée mais je prends sur moi car on est pas venu ici pour souffrir, donc disons qu’il y a :

Une dimension structurelle :

  • L’approche qu’on appellera Jospin (quotidien) : réduire le temps de travail, point (levé)

  • Approche Quiet Quitting : bosser moins dans le même temps de travail contractuel

  • Approche Lego : repenser l’agencement du travail, ça veut rien dire comme ça mais je vais vous expliquer

  • Approche Bonus : c’est ma ptite surprise pour si vous lisez jusqu’au bout


Et derrière ça un enjeu financier : on peut travailler moins pour gagner moins/autant/plus, si, si.

Approche Jospin (quotidien) : réduire le temps de travail

Là on se parle d’une réduction structurelle, légale, contractuelle du temps de travail. Qu’elle vienne de l’Etat ou de l’entreprise. Et généralement, sans baisse de salaire, fondée sur le postulat (discutable si on veut, mais ça tombe bien j’ai pas envie d’en discuter) que dans plein de cas quand on baisse le temps passé on peut compter sur une hausse de la productivité et ça revient peu ou prou au même.

En France, on l’a fait plein de fois. Par exemple en 1841, on a réduit le travail des enfants dans les manufactures et usines de 12-16 ans à 12 heures par jour, et celui des 8-12 ans à 8 heures par jour, ce qui est quand même vraiment sympa. En 1906 on a institué la semaine de 6 jours, et donc le concept de dimanche chômé, qui pourtant est assez vieux (cf. Dieu). Et quand, en 1936, on a - brièvement - tenté cette petite folie qué s’appelerio les 40 heures, les opposants ont gueulé contre “la semaine des deux dimanches”. Avouez que “bons deux dimanches” ça claque autrement que “bon w-e” ou le terrible “bon week”.

Y’a eu plein de raisons à chaque fois, toujours des luttes ouvrières ou sociales derrière, mais en bref, après une époque où on l’a fait pour des raisons hygiénistes (= pour que les gens clamsent moins), on s’est mis à le faire en raison d’un calcul simple sur lequel on reviendra : les machines allègent le travail humain > plus de trucs sont produits et de services offerts > faut bien que les gens puissent acheter les trucs et profiter des services donc on leur donne le temps de le faire.

Aujourd’hui, parmi ce qui existe en réduction officielle du temps de travail il y a :

1/ La famosa semaine de 4 jours

L’expérimentation au Royaume-Uni, j’ai déjà fait un topo dessus, on va pas s’étaler.
Ce qu’il faut en retenir au-delà des résultats (= tout le monde est content) : ça a été fait dans des secteurs très différents, avec de la formation et de l’information en amont, et surtout sur des formats variés, adaptés aux enjeux des boîtes. Certaines ont effectivement fait un 4/5, d’autres ont réduit la journée de travail ou augmenté les vacances, on en reparlera.

En revanche j’ai bien envie de vous parler des Pays-Bas. Aux Pays-Bas, la durée moyenne de la semaine de travail est de… 30,3 heures selon certaines sources, 32 heures selon les organisateurs.
Ce fun fact vous est offert pour que vous puissiez pointer un autre pays du doigt la prochaine fois que vous entendrez que les Français en glandent pas une.
Alors en l’occurrence, la semaine de 4 jours n’est pas la norme (la base c’est à peu près 38h avec un max à 60h) MAIS comme le code du travail aux Pays-Bas, c’est un délice, il dit par exemple que si vous demandez un temps partiel, l’employeur n’a pas le droit de le refuser à moins de prouver que c’est incompatible avec son business. Donc 61% des gens bossent à temps partiel. J’ai promis que j’entrerais pas en profondeur, alors je laisse ouverte la question de savoir si c’est bien que ça soit beaucoup les meufs (78% des femmes qui bossent le font à temps partiel, contre 46% des hommes), mais on y reviendra.

Mais bon, tout ça pour dire que y’a des gens sérieux qui le testent/font déjà et que rien ne s’effondre.

2/ Avoir beaucoup de vacances

Ben oui, ça a l’air con mais c’est une réduction du temps de travail. Et globalement les boîtes qui proposent des congés payés avantageux, c’est pas les plus hippies du lot si vous voyez ce que je veux dire : banques, multinationales de l’énergie, de l’armement, bref, ces boîtes qui ont besoin d’un peu plus que d’un babyfoot pour attirer des talents. Techniquement, quand t’as 9 semaines de congés payés, ça fait quasiment 2 jours off de plus par mois que la moyenne. Ajoute à ça les RTT et paf, t’es presque aux 4/5.

ATTENCIÓN aux congés illimités. Super sur le papier, dans les faits c’est la douille. Au final, si la culture n’incite pas à en profiter (ce qui est généralement le cas) les gens prennent autant, voire moins de congés que la moyenne, mais on leur balance quand même cette “politique avantageuse” à la figure quand iels demandent d’autres bénefs.

3/ Des journées de travail plus courtes

Alors ça c’est par exemple testé depuis un moment en Suède avec la journée de 6 heures. Le principe est pas con : globalement on est de toute façon pas efficace 8h par jour (en ce qui me concerne ça se compte probablement plutôt en minutes). Donc en échange, du côté des entreprises, d’une politique de réduction des trucs à la con qui font perdre du temps (de type réunions à rallonge), on fait des journées plus concentrées. On y reviendra.

Y’en a plein d’autres mais on a l’idée, passons à la suite qui est plus fun (la barre est pas haute je sais).

Approche Quiet Quitting

Le titre est pas franchement adapté car on ne se parle pas que de se la couler douce aux frais de son employeur. Voire on s’en parle pas du tout. En fait c’est vraiment un choix de titre pourri, mais je vais pas en changer pour autant. Là on se parle de travailler moins longtemps sans modifier ses heures contractuelles.

1/ Le hacking (mieux mieux)

Les techniques pour hacker le game sont nombreuses et très variées, mais globalement, il y a :

  • Sous-traiter : oui c’est à moitié une blague, mais il y a des métiers où on peut sous-traiter/dumper pour moins cher une partie de son taf. J’ai pas dit que c’était bien. Par exemple, Verizon a réalisé qu’un de ses devs sous-traitait tout son taf en Chine.

  • Automatiser : là, flemme de vous faire un dessin, LinkedIn s’en charge déjà avec ses multiples experts en giga-productivité, qui utilisent l’AI et 46 outils pour automatiser leurs tâches quotidiennes.

2/ Être une mère

Emma l’a parfaitement formulé dans son comic “L’attente”, et y’a eu des études sur le sujet. En bref : les mères sont bien plus productives que la moyenne. Parce que globalement, pas le temps de niaiser, et que l’enfant ira pas se chercher tout seul : donc efficacité maximum dans les heures de travail.

Pourquoi il y a encore un préjugé que l’inverse est vrai et que les mères sont moins engagées dans le taf ? Parce que tous les trucs sur lesquels elles coupent : réunions inutiles, pauses à rallonge, afterworks au bar d’à côté, entrent malheureusement en ligne de compte dans la façon dont les travailleurs·ses sont évalué·es.

Mais bref, si elles arrivent à travailler autant que les autres dans un cadre horaire contraint, c’est probablement que c’est possible.

3/ Être senior

Hé oui, l’un des intérêts d’être expérimenté·e dans un job, c’est qu’on peut faire mieux en moins de temps.

4/ Le droit à la déconnexion

AHA. On le voyait pas venir celui-là hein.
Dans beaucoup de jobs “intellectuels” le travail ne s’arrête pas quand on ferme son ordi. Chaque seconde où on pense au travail, c’est du travail. Et donc à chaque fois qu’on checke ses mails en vacances, ou le dimanche soir “pour préparer son lundi”, on peut se dire qu’on se rend plus efficace, mais techniquement, on bosse (et on bosse plusieurs heures, parce que bon, quand le taf refait irruption dans la vie il disparaît pas de nos cervelles en 10 secondes). Et ça, c’est vicieux, parce que comme le racontait Magali, un même employeur peut te dire de bien profiter pour déconnecter, tout en te faisant comprendre que ça serait super cool quand même que tu lâches pas totalement. Je vais pas en faire des tonnes parce que c’est le sujet du premier article de CDLT quand ça s’appelait TTFO, et de celui-là (mon article le plus underrated), mais bref : le droit, le vrai droit à la déconnexion, c’est une réduction du temps de travail.

Allez, maintenant, un peu de créativité.

Approche Lego

Celle-là elle explore des trucs nouveaux. L’idée ici, c’est de repenser le format du travail, et de se dire que la base de “plein-temps toute la vie jusqu’à la retraite” n’est peut-être pas la seule qui existe, et qu’on peut remouliner tout ça.

1/ L’indépendance

A plein de conditions, comme celle d’avoir développé son activité, d’avoir des tarifs qui compensent et une clientèle assez large et fidèle pour se le permettre, être indépendant·e peut permettre un calibrage de son temps.

Y’a des freelances qui bossent une partie de l’année et voyagent une autre partie, ou bossent juste assez pour faire autre chose à côté, ou bossent très très fort pendant des années (avec un avantage au fait de facturer au temps passé qui est que quand on bosse plus, on est payé·e plus : ça paraît bête comme ça mais si vous avez comme moi un jour, en tant qu’employé, divisé votre salaire par votre nombre d’heures vraiment effectué, vous savez ce que ça vaut) pour se permettre potentiellement de quasiment plus bosser après.
Quel que soit le format, la reprise de contrôle sur son temps, c’est l’un des aspects fondamentaux de l’indépendance.

2/ L’étalement de la retraite sur la vie

Alors j’ai dit “trucs nouveaux” j’ai menti : à l’échelle d’internet c’est de l’archéologie. Vous vous souvenez du Ted Talk du designer Stefan Sagmeister ? C’était en 2009. Il parlait du concept de “sabbatical” qu’iels avaient mis en place, avec sa partenaire Jessica Walsh, dans leur studio Sagmeister&Walsh.

Je ne peux pas résister au fait de vous dire que depuis, iels ont splitté parce que Sagmeister veut plutôt faire des trucs artistiques, que Walsh a repris la partie commerciale du studio et que ça s’appelle juste… &Walsh. Je suis amoureuse.

Bon, iels en ont pas trop reparlé depuis, donc y’a moyen que ça ait pas continué, mais c’est pas le sujet.

Constat simple : pourquoi profiter plus tard quand on peut profiter maintenant ?
Réponse simple : retirer 5 ans de sa retraite, qu’on étale sur sa vie pro en prenant 1 année sabbatique tous les 7 ans. Dans leur cas, en fermant tout bonnement leur studio pendant 1 an. Ce que les gens faisaient de leur année sabbatique était libre : voyager, faire la teuf, lancer des projets perso, bosser ailleurs. L’idée, de leur côté, était que vu que leur métier s’inspire de tout ce qui lui est extérieur, cette année était l’occasion de recharger leurs batteries créatives.

Ok, arrêtons-nous une seconde, réfléchissons au truc.
Evidemment c’est impossible à mettre en place à l’échelle d’un pays. Evidemment, si on dit les choses clairement, le calcul des retraites prend en compte le fait que plein de gens (infographie certes discutable mais on a l’idée) vont probablement claquer tout court avant de claquer leur biff durement gagné après des années de labeur. Evidemment on a toujours pas de réponse à l’emploi des seniors donc se projeter bosser 5 ans plus tard, c’est pas réaliste. Evidemment ça pose plein de questions à l’échelle d’une carrière (j’y répondrais qu’une interruption de carrière ça existe, ça s’appelle le congé maternité, et que soudainement si les hommes étaient aussi concernés j’parie qu’on gèrerait ça mieux) ou d’une entreprise.
Bref, c’est pas possible.
Mais imaginez si c’était possible.
Imaginez.

3/ Le job sharing

Ça a l’air d’un nouveau concept à la con mais RESTEZ AVEC MOI je vous promets c’est intéressant.

Le constat : y’a plein de gens qui aimeraient bosser à temps partiel (et par gens, j’entends généralement des femmes, parce qu’encore une fois c’est souvent à elles que revient, volontairement ou non, la charge de s’occuper des gosses, ou des personnes âgées/malades de leur entourage, même si techniquement ça s’applique à tout le monde).
Le souci : c’est que parmi ces gens, y’en a qu’ont des postes qu’on n’imaginerait pas en temps partiel.
La réponse : partager le même job entre deux personnes à mi-temps. Pas se partager les tâches, non, se partager le temps, en binôme. Avec évaluations de performance communes.
What the fuck : je sais, je sais. C’est encore confidentiel, même si y’a des pays comme la Suisse où ça se développe, et qu’askip 20% des boîtes aux US le permettent. En Suisse, y’a deux Procureures qui occupent leur poste en job sharing (si vous me croyez pas, faites-vous kiffer avec le Rapport 2020 du Procureur Général du canton de Vaude, page 6, il sera pas dit que je vous fais pas voyager). Il y a de plus en plus de cas de personnes en job-sharing qui ont des promotions, chopent un nouveau taf et font évoluer leur carrière en binôme. On remarque notamment que le fait d’avoir des évaluations communes crée une solidarité dans le duo. Tenez, un super épisode du podcast Travail (en cours) sur le sujet.

Pensons-y, deux minutes.
Ça implique un tas de trucs, notamment de pouvoir se permettre de bosser à mi-temps, avec un demi-salaire, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Et évidemment à l’échelle d’une boîte le premier réflexe c’est “mais quel bordel”.
CELA dit. Ce qui est intéressant, c’est qu’on se parle, dans ce qui a été expérimenté, généralement de postes de management (quand c’est des postes hauts placés ça s’appelle le “top sharing” car franchement on manque de néologismes anglophones dans nos vies). Et qu’à date, ça permet à des femmes de faire un mi-temps sans se mettre en retrait de leur boîte, et même en envisageant une progression de carrière, ce qui est vraiment un problème assez crucial à résoudre. Ça répond aussi à des enjeux de performance, comme le fait qu’il n’y a pas de manager/travailleur·se parfait·e, et que deux personnes complémentaires, ça a plus de chance de s’en approcher. Des personnes en job-sharing disent aussi que d’avoir le temps de prendre du recul, et d’avoir quelqu’un avec qui ping-ponger permet de prendre de meilleures décisions.

Enfin si on pousse le truc - vous connaissez ma tendance à l’utopie - on peut s’imaginer des binômes sous d’autres formes. Tiens par exemple, parlons des seniors, dont on dit qu’iels coûtent trop cher, et dont une bonne partie sont des aidant·es (d’un proche âgé/malade) qui ont besoin de temps. Un binôme entre un·e manager senior et un·e manager plus jeune, c’est à la fois potentiellement 1/ moins cher 2/ du transfert de compétences 3/ une version réaliste de feu le contrat de génération de François H.

Si vous hésitez à m’insulter pour ma naïveté, attendez la partie suivante vous n’hésiterez plus.

Approche bonus

Là, on questionne carrément ce que c’est le travail. Vous voyez, vous avez bien fait de tenir jusqu’ici.

1/ Arrêter le travail invisible

Là, on se parle de tout ce qui consiste à travailler plus/moins pour gagner rien.

Et bien évidemment, on en revient aussi aux femmes, et à tous les travaux ménagers et de soin, qu’elles font parce que bon, c’est dans leur nature le care, donc on va pas oser mettre un prix sur ça, sauf qu’Oxfam l’a fait et que ça représente à l’échelle mondiale 12,5 milliards d’heures par jour de travail non-rémunéré, ce qui correspond à à peu près 10 800 milliards de dollars de contribution à l’économie mondiale par an. Je vous fais pas le laïus sur la répartition homme-femme des tâches ménagères, je vous partage plutôt cette punchline d’Ali Wong.

Il y a aussi, mais c’est pas giga-étudié en France, le travail invisible, souvent des femmes aussi, dans les boîtes familiales, type entreprise agricole ou commerce. En bref : quand l’entreprise appartient au mari, et que le travail de la femme n’y est pas officialisé. Au Québec, une étude a estimé qu’en une semaine, les femmes dans le milieu rural réalisaient 7h de travail domestique, 9h de soin, 3 heures bénévoles et 8,35 heures au sein de l’entreprise familiale. Le truc, c’est qu’avec zéro statut, ça met les femmes dans le caca à la retraite, ou en cas de séparation ou de décès du mari.

Arrêter de travailler pour rien (arrêter tout court / obtenir un statut), c’est une forme de réduction du temps de travail gratuit, donc ça compte.

2/ Arrêter de travailler tout court

Mon préféré. Si vous êtes encore là, franchement, vu le chemin qu’on a déjà fait, ça serait trop bête de lâcher maintenant alors qu’on arrive à la cerise sur le gâteau.

On a bien ricané en 2017, quand Benoît H parlait de revenu universel et d’un futur où le travail humain pourrait être remplacé par les machines. On rigole moins, hein maintenant ?

Sauf que, si on se dit que l’AI est capable de tout·tes nous remplacer - ce qui est probable mais pas non plus certain mais probable - ça laisse à peu près trois options (ouais, je fais de la futurologie express avant que vous décédiez de déshydratation) :
- une décision politique met un stop au bousin avant que ça parte en vrille (aucune chance)
- décroissance
- faut trouver un autre moyen de subsister

Let me introduce non pas le revenu universel, mais le “dividende basique universel” (popularisé par Yanis Varoufakis, I know, I know).

En deux mots : y’a plein de richesses produites par nous/qui nous appartiennent et dont on bénéficie pas.
En plus de mots : l’eau minérale par exemple qu’est mise dans des bouteilles (recyclées ensuite dans une collab moche avec Balmain mais c’est pas le sujet) en fait on l’achète mais à l’origine elle était à nous non ? Et aussi le capital, par exemple, de Google, Facebook et OpenAI, il est produit évidemment par les gens qui y bossent. Mais leur valeur à ces entreprises… techniquement… elle vient de nous, qui l’utilisons. A chaque recherche, chaque post, chaque like, chaque “PTG 67” ou “merci de me retirer de ce forome” ou chaque fois qu’on interagit avec ChatGPT ou qu’on clique sur un passage piéton dans un captcha (qui nourrit la reconnaissance d’images de Google), on nourrit leurs algos et leurs datas et leurs AI, qui font augmenter leur valeur et donc, est-ce qu’une part de ce capital ne nous reviendrait pas ? D’où l’idée d’un dividende universel, financé par une taxe sur les ressources naturelles (qui nous appartiennent) et les technologies (qu’on enrichit).

Ce que je trouve intéressant dans cette notion c’est qu’elle ouvre la voie à la redéfinition de ce que c’est le travail. Parce que tant qu’on continuera à voir le travail comme on l’a toujours vu (tâches contractuelles en échange d’un paiement défini), on oubliera de regarder que ce qu’on fait par exemple pour les boîtes de tech, mais aussi je sais pas, pour nos réunions de copro ou les jardins qui remplacent les grilles d’arbres, c’est du travail.

Je me calme, sinon on va partir loin et il faudrait refaire tout un post. Ce qui arrivera bien un jour.

En bref

Le seul intérêt de cet article, c’est de faire un état des lieux de plein de choses qui existent déjà, et qui permettent, au-delà de l’utopie, de réfléchir à comment travailler moins, ce qui souvent veut dire travailler mieux.

Et ça paraît couillon comme ça, mais ça l’est pas. Parce que si travailler mieux et moins est une aspiration des gens, c’est quelque chose qui va devoir être pris en compte par les entreprises, qui, c’est pas un scoop, font face pour beaucoup à une pénurie de talents (selon la dernière étude de Manpower, en 2023 77% des entreprises ont reconnu avoir du mal à trouver des gens, un record).

Sa fé réfléchir.

CDLT,

Sev