8 comportements qui donnent envie de débrancher la box et de partir vivre dans un ancien corps de ferme avec des murs tellement épais que même la 3G ne passe pas


🎙️ POINT PODCAST : grave envie de consommer le contenu ci-dessous mais idéalement en faisant autre chose en même temps ? Vous trouverez la version podcast de cet épisode sur Spotify, Apple Podcasts et Deezer.
💻 POINT LOSE
Dans la dernière édition de la newsletter, je parlais de ma participation au live de Taleez sur l’épuisement professionnel des RH (que vous pouvez regarder en replay). Et j’ai remercié Silvia Talo alors que son nom c’est Sylvia Galo. Pardon Silvia. Si tu avais bossé chez Coca-Cola j’imagine que je t’aurais appelée Silvia Colo ? La lose.
🤖 POINT IA
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⏱️ POINT C’EST BON LÀ ON PEUT ATTAQUER L’ARTICLE ?
Oui.
Bon.
La dernière fois, j’ai voulu faire un article un peu lol-gratos-top-topito. J’ai pas réussi. Non seulement ce rapport de tendances en présentologie n’était pas lol-gratos-top-topito, mais en plus il s’est avéré beaucoup trop juste, avec Lecornu qui revenge quit quelques jours après comme pour prouver mon argument, et Eric Schmidt qui insiste sur la nécessité de travailler plus et de mettre en place le 996… avant même que je ne publie. C’est dire si j’ai vraiment les deux pieds dans le zeitgeist.
Tout ça pour dire : je ne me décourage pas. Je vais y arriver, à faire un article couillon qui sert à rien. ALLEZ CHAMPIONNE (se murmure-t-elle en se tapant sur la poitrine), FAIS DE TON PIRE.
Et je ne fais pas ça que pour le lol. En vrai… j’sais pas vous… en ce moment j’ai un peu besoin de galéjade. J’ai regardé la S1 de Nobody Wants This pour la 3ᵉ fois, Scary Movie pour la 28ᵉ, Last Action Hero pour la 112ᵉ, je commence à être à sec en contenus feelgood rassurants (pas besoin de me recommander des trucs, le principe du “feelgood rassurant” c’est de revoir un truc qu’on a déjà vu). J’arrive même plus à écouter de podcasts, ma liste de recos “Nouveaux Épisodes” de Spotify ressemblant à :
“Wow c’est bien la merde en France, dites donc : mais à quel point ?”
“L’IA : est-ce que c’est maintenant qu’on s’inquiète ?”
“La merde en France : décryptage”
“La montée du fascisme aux US : un autre point de non-retour franchi”
“Update sur une guerre en cours”
“5 scénarios rapport à la merde en France”
“La planète brûle : un autre point de non-retour franchi”
“Même Taylor Swift arrive pas à nous sortir de cette ambiance de merde”
Donc voilà, j’ai besoin de rigoler un peu, peut-être que vous aussi. Pour ça, quoi de mieux qu’un bon sujet bien clickbait : “Quel·le visioconférencier·ère chiant·e êtes-vous ?”
Ça c’est propre. Enfin, sale. Donc propre.
En plus, décortiquer l’enfer de la visio, vous le savez, c’est ma grande passion : j’ai déjà commis un article “Où télétravailler pour des visios qui font chier les collègues ?” en 2024 et “Les pires comportements en télétravail” en 2023. À l’époque où j’étais encore drôle.
Allez c’est parti. Qu’il soit tardi-, rétro-, Stalin- ou centi-, tout le monde va en prendre pour son grade.
Autant je défendrai le télétravail jusqu’à ce que mort s’ensuive… autant ladite mort risque, en ce qui me concerne ainsi que mes camarades vapoteurs·es, d’arriver plus tôt que prévu. Car il faut l’admettre, l’un des effets délétères du TT c’est que fumer n’est désormais plus circonscrit à “se cailler les miches en pause clope sur un coin de terrasse/trottoir avec les autres toxicos”. On peut désormais fumer tout le temps. Et donc… ben on fume tout le temps, c’est ça le pouvoir magique de la nicotine.
Cela dit, si on veut être précis, dans les papes de la vape, il y a plusieurs sous-catégories :
- Sam le hammam : Sam a investi dans une vapoteuse de compet, le truc ressemble à un talkie-walkie. Et quand Sam tire une bouffée de son bazooka (et on sent que l’exercice est sportif à ses joues qui se creusent et à la petite veine qui saille sur son front), il en souffle un fucking cumulonimbus qui vient lentement cumulonimber tout le cadre de visio, faisant progressivement disparaître Sam dans un brouillard parfumé au bubble gum.
- Cyrielle directionnelle : Cyrielle sait bien que bon, fumer en réunion ça fait depuis les années 80 que c’est plus trop accepté dans l’étiquette professionnelle. Dans une tentative de concilier addiction et bonnes manières, Cyrielle tire donc des petites taffes discrètes de sa vape, qu’elle expulse ensuite du coin de la bouche d’un jet puissant et ultra-ciblé dirigé vers le bas de l’écran. On salue le professionnalisme.
- Marcel Hors-Champ : Marcel, c’est un peu un ninja de la vape. Persuadé que personne ne voit son manège (alors qu’absolument tout le monde l’a capté), il sort à intervalles réguliers sa tête du champ de la caméra, pour effectuer une discrète et expéditive manœuvre aspiration-expiration, hop, très vu très connu mais on respecte l’effort.
Jean-Louis est là pourtant. Caméra allumée, yeux ouverts, micro activé. Mais l’esprit de Jean-Louis, lui, a pris un aller simple pour “tout sauf cette réunion éclatée”. L’esprit de Jean-Louis, il compare des grille-pains car le sien vient de lâcher, il répond à ses mails, il swipe sur Tinder, il regarde des vidéos satisfaisantes de gens qui émiettent des bombes de bain sur la version desktop d’Insta (ouais si vous avez moins de 30 ans ça risque de vous choquer, mais certains d’entre nous les ieuv on utilise WhatsApp et Insta en version DESKTOP la journée, c’est quand même fichtrement plus pratique). Les signes qui trahissent Jean-Louis ? Son regard, d’abord, qui n’est pas — comme il se doit — rivé vers sa propre image sur le côté de l’écran, mais flotte quelque part dans le vide. Son petit sourire fugace ensuite, qui révèle qu’il vient de voir un meme rigolo ou de lire une bonne vanne sur la durée du gouvernement Lecornu I, pile au moment où quelqu’un venait d’annoncer que les résultats de Q3 sont pas oufs. Son temps de réaction le trahit également, notamment les LONGUES secondes qui s’écoulent entre le moment où on lui pose une question, le moment où on le relance, et sa réponse (invariablement “tu peux répéter la question ?” suivie d’une excuse type “problème de son” dont on est maxi-dupes). Et enfin, ses hochements de tête réguliers pour faire genre il suit, qui sont complètement désynchronisés avec le contenu de la discussion. Jean-Louis, c’est comme un gréviste au Japon : il est là, certes, mais il signale à la terre entière que s’il pouvait, il serait pas là.
Phil n’a qu’un seul ordre du jour : réussir à utiliser absolument TOUTES les fonctionnalités de Zoom/Teams/Gmeet en une seule réunion. Phil débarque donc évidemment avec un fond virtuel (et un sourire en coin en attendant que les gens le remarquent, comme nous les gens normaux quand on sort de chez le coiffeur et qu’on se demande si vraiment ça se voit pas, ou si juste c’est tellement raté que les gens font comme si de rien n’était). Attention, Phil est quelqu’un d’original : il n’utilisera jamais l’un des backgrounds proposés par l’outil. Mais comme Phil n’est pas non plus maxi-original, il utilisera généralement un fond issu de The Office. La technologie de Réalité Augmentée étant ce qu’elle est (= au même niveau qu’en 2018, quand on prédisait qu’elle serait le next big thing, avant d’abandonner tout investissement quand on a réalisé que pas), des parties de son corps disparaissent aléatoirement durant le call. Phil a abandonné les filtres “oreilles de chat” bien après que ça ait cessé d’être cool (S2 2020), mais il a quand même, c’est étrange, un teint de pêche, zéro pore, de longs cils et des lèvres légèrement glossy.
Phil abuse également des réactions émoji. Quoi que les gens disent, ça sera accueilli avec des pouces levés, des petits cœurs qui s’envolent, et des applaudissements. Franchement, tout cet enthousiasme c’est à la fois too much et pas de refus par les temps qui courent. Quand Phil veut prendre la parole, plutôt que de… prendre la parole, il cale le petit émoji qui lève la main, comme si tout le monde était sa maîtresse de CM2.
Quand Phil partage son écran, il sait bien sûr ne partager qu’une fenêtre à la fois, mais il sait aussi utiliser l’espèce de pointeur laser pour souligner un truc important sur la slide.
Et puis Phil utilise le chat. Phil est le seul à utiliser le chat. Il partage des liens pendant qu’on parle, il lance même des sondages (auxquels personne ne répond puisque personne ne les voit).
Il a activé la transcription automatique (qui transforme systématiquement “purchase funnel” en “pure chaise fenêtre”).
Évidemment, Phil a intégré une IA de prise de notes qui rôde, menaçante, dans un petit cadre de visio noir.
Phil, c’est le Rémy Bricka de la réunion, une sorte de sons et lumières à lui tout seul, un feu d’artifice d’artifices qui ne font que masquer sa vérité profonde : l’enfant intérieur de Phil, comme le vôtre, est en train de se faire chier comme un surmulot mort.
Aurore, c’est facile, c’est l’opposé de Technophil Collins. Aurore n'a pas choisi la vie numérique, la vie numérique lui a été imposée en mars 2020 et sa courbe d’apprentissage est aussi plate que sa voix quand elle dit “vous m’entendez… héo… ils m’entendent pas…” alors que tout le monde l’entend, c’est juste elle qui n’a pas mis le son. Et ça ne sert à rien de lui dire dans le chat, puisqu’elle ne connaît pas l’existence du chat. Avec Aurore, chaque call se transforme en Genius Bar : “oui, alors là tu cliques sur le petit bouton sur la droite avec les trois petits points… non pas celui avec une flèche, celui avec les petits points…”. Le seul truc divertissant avec Aurore, c’est évidemment quand, après une séquence support technique ("Mais non je te dis qu’il y est pas le bouton… ah c’est pas le gros rouge là ? Attends je vais demander à mon fils. TIMÉOOO !") elle partage l’intégralité de son écran, et qu’on la voit fermer, l’une après l’autre, les 48 fenêtres dont 22 pop-ups publicitaires (car oui, ça existe encore, et c’est Aurore qui fait tourner le business, merci de ne pas lui expliquer Adblock, un pan entier de l’économie pourrait s’effondrer).
Cole, on dirait TOUJOURS qu’il est en direct d’une zone de conflit. Les conf-call avec Cole, c’est un exercice 1/ de cardio 2/ de patience : en 15 minutes tous·tes ses interlocuteur·ices sont au bord du craquage à force d’essayer de maintenir un vague fil de conversation entre deux interruptions. Parfois, Cole est dans la rue, et se connecte en appelant le petit numéro de la conférence, comme à la grande époque des pieuvres (les jeunes, on vous expliquera), et on dirait vraiment qu’il est AU MILIEU d’un carrefour. Parfois, Cole est au milieu d’un Carrefour, d’ailleurs. Souvent, Cole est au volant, et entre deux instructions du GPS, il lâche des “la prio connard !” pile au moment où effectivement, un connard avait oublié la prio de la réunion. Cole s’est “posé dans un café tranquille pour faire la réu” juste à côté de la machine à expresso qui fait crsshhh-bang-bang. Même quand Cole est chez lui, il se fait swatter en permanence par ses enfants, ses animaux de compagnie, ses colocs, sa belle-mère ou des livreurs.
Cole est un mystère. Car de trois options l’une. Soit il se croit vraiment plus important que tout le monde et pense que la valeur qu’il apporte justifie l’agression auditive qu’il fait subir aux autres. Soit il considère simplement qu’il a mieux à foutre, et donc il le fout. Soit il est un optimiste inébranlable, qui pense sincèrement que ça va le faire. “J’ai 10 minutes entre mon RDV dentiste et ma visite de chantier, ça devrait le faire”. Ça le fait jamais, on a droit à la roulette ET à la perceuse. Cole finit toujours par se prendre un “je te mute Cole” légèrement agacé, suite auquel toutes les épaules de la réunion retombent d’un coup dans un grand soupir de soulagement collectif.
Vous voyez le p-p-p-poker face ? Ben Mimi c'est l'inve-ve-ve-verse. Un livre ouvert en live 4K HD. Mimi est hyperlaxe du visage : chaque partie sait bouger indépendamment l’une de l’autre. Résultat, son langage corporel facial c’est une myriade d’expressions qui compile tous les émojis + tous les reaction GIF + toutes les didascalies du théâtre classique. Ce qui est difficile à gérer avec Mimi, c’est que son expressivité est magnétique : comme son visage c’est un peu les sous-titres émotionnels de la réunion, on ne peut pas s’empêcher de guetter chacune de ses expressions, au point parfois de s’arrêter en pleine phrase à cause d’un froncement de sourcil funeste (“Mimi, y’a un truc qui te va pas ?” “Ah non, j’étais juste en train de réfléchir”)... Car parfois, le visage de Mimi lance des fausses pistes. Parfois, il semble afficher du dégoût alors que c’est juste de la concentration, de la colère alors que c’est juste de la surprise, de la joie alors que... non, y’a jamais de joie dans une conf-call.
On le voit, on le voit plus. On sait jamais s’il est là ou pas là, et quand il est là, s’il est vraiment là et pour combien de temps. Après le “bonjour” de rigueur, c’est extinction des feux : caméra éteinte, micro coupé, il ne répond pas quand on lui pose une question, mais 5 minutes plus tard il coupera la parole à quelqu’un pour faire une remarque hors-sujet. Sa spécialité : les hard stops. Qu’il les annonce en début de réunion ou, encore plus sneaky, les balance à un moment random dans le chat (“J’ai une autre réunion je dois filer sorry. Mais keep up the good work!”) juste avant de se déconnecter, Tom, c’est pas exactement qu’il pense qu’il vaut mieux que les autres mais… si en fait : les règles basiques de politesse, c’est pas pour lui, c’est pour les bolosses qui jouent le rôle de figurants dans son film personnel.
Ils fonctionnent généralement en binôme : ce sont les commentateurs sportifs de l’évènement. Le seul truc c’est que le commentaire 1/ est réalisé en message privé pendant la réunion 2/ consiste à se foutre de la gueule des personnes présentes. Thierry et Jean-Mich sont persuadés d’être hyper scred quand ils tapent au clavier ou sur leur tel l’un après l’autre dans une chorégraphie saccadée-syncopée. Ils sont certains que personne ne les capte quand ils retiennent un fou rire exactement en même temps suite à une bonne joke bien bien private. Ce qui les trahit également, c’est la soudaine panique dans leurs yeux quand on demande à l’un d’entre eux de partager son écran. S’ensuit généralement un petit moment de latence avant de lancer le partage, passé à fermer fébrilement toutes les fenêtres de chat en prétextant un ordi qui rame.
Le seul truc agréable avec Titi et Jean-Mich… c’est d’être Titi ou Jean-Mich. Pour toutes les autres personnes présentes, ils créent juste un mood de paranoïa aiguë où chacun·e sait très bien qu’iel est en train de devenir un meme dans leur petite collection privée de shitposts.
Sauf… sauf… sauf quand, grâce à eux, on assiste à l’un de ces grands moments qui entrent instantanément dans la légende corporate, j’ai nommé : quand ils se font griller. On l’a tous·tes vécu, d’un côté ou de l’autre de la grillade, et c’est toujours saignant. Ça peut être une petite notif qui poppe dans un coin au-dessus de la présentation de Jean-Mich partagée à l’écran, de type “jpp Carole est en train de s’endormir je l’entends ronfler” (et là franchement, j’ai aucune empathie : ne pas désactiver les notifs, c’est clairement un truc de noob du bitchage, respectez-vous). Mais mon préféré c’est évidemment le partage d’écran qui s’ouvre sur la conversation de nos deux amigos. Dans les deux cas, ce que je trouve magnifique, c’est que tout le monde a vu le truc, mais que jamais personne ne dit quoi que ce soit. Titi et Jean-Mich font leur petite descente d’organes en silence, un petit malaise s’installe, mais on dit rien. Et vous savez quoi ? Je pense que c’est grâce à ces petits moments de mensonge collectif que la société tient toujours.
Et bah voilà, j’espère que tout ça vous aura fait oublier 5 minutes que tout part en cacahuète.
N’hésitez évidemment pas à aller saucer mon algo Instagram en me confessant qui vous êtes en MP ou en commentaire (moi j’suis un mix de Cyrielle, Jean-Louis et Mimi : oui, je suis une plaie mais dites-vous que je suis pire en vrai), ou à partager cette newsletter avec d’autres gens pour leur passer un message subtil concernant leur comportement digital.
Sev