De la piscine à l'Aquaboulevard : repenser les trajectoires professionnelles


Annonce de service : Joyeux 1er mai ! Pire jour pour poster niveau taux d’ouverture, meilleur jour en termes de symbole. L’occasion de rappeler que, comme le 8 mars n’est PAS la “Journée de la femme”, le 1er mai n’est PAS la célébration du travail mais celle des combats et conquêtes des travailleurs·es, à commencer par la journée de 8 heures. À l’heure où notre Premier Ministre dit qu’on bosse pas assez (et où MÊME TF1 se sent obligé de nuancer), c’est pas inutile de le rappeler, bisous.
Annonce de service 2 : étant un cordonnier très mal chaussé, je prends des vacances pour la première fois depuis bien trop longtemps. Mais étant aussi incapable de vous laisser (rappelons que ma façon de faire une “pause” cet été a été d’écrire une maxi-série de l’été fictionnelle en 4 épisodes), je vous ai préparé un petit truc rigolo pour dans deux semaines.
Dans le dernier article (“Tout plaquer pour 1/2”), on parlait de la vague de reconversions qui passe sur nous comme un ouragan, et on établissait qu’a priori, avec environ une personne sur deux qui est en train de se reconvertir ou y songe, la reconversion n’est pas une exception, mais la règle.
Je parlais de cette sensation d’être au milieu de la piscine professionnelle, de réaliser qu’on n’est peut-être pas dans la bonne ligne d’eau, et d’avoir encore trop à nager pour se résigner.
Et on finissait sur un constat en forme de question : si se reconvertir est si répandu et rendu nécessaire par un contexte en mouvement permanent, comment ça se fait que ça soit… encore traité comme une exception ? Comme des accidents de parcours ? Comme un truc qui nous tombe dessus ?
Et pour la toute première fois, je promettais un article utopiste. Attrapez votre serviette, mettez vos claquettes, je vais dessiner ma piscine professionnelle idéale, celle où on peut changer de ligne d’eau, de sens de la nage, et même dont on peut sortir de temps en temps pour aller prendre un snack au distrib.
Mais parce que j’aime le mauvais esprit, avant chaque utopie, je vais proposer… la topie : ce que ça va donner, si on continue comme maintenant. Ça va être long je préviens, mais en même temps faut bien occuper son temps libre en période de ponts.
C’est parti.
Sautons à pieds joints : donner à l’école le rôle de nous préparer au monde du travail, c’est comme attendre d’un pédiluve — tiède, jaunasse, où surnagent des cheveux et un pansement — de garantir l’hygiène dans une piscine : inefficace, sous-dimensionné et hypocrite. Le pédiluve c’est un mensonge collectif : il est juste là pour être là, pour dire “c’est bon, j’ai fait mon taf maintenant si vous avez des verrues c’est votre faute” alors qu’on sait très bien que la seule chose raisonnable à faire est de l’enjamber en retenant un haut-le-coeur.
J’en ai fait des caisses la dernière fois, le constat est clair et partagé : l’orientation à l’école, à date, n’est pas optimale. Donc option logique : on change des trucs. Mais pourquoi choisir l’option logique quand on peut prôner l’option teubé ? L’option teubé : faire pareil mais plus. Et c’est l’option qu’a choisie Elisabeth Borne, qui n’a clairement jamais foutu les pieds dans un pédiluve public de sa vie. Et je vais citer. Pour le kif. Pour le petit plaisir d’étaler en noir sur blanc ce gros craquage de slip de bain :
Il faut se préparer très jeune, dès le départ, presque depuis la maternelle, à réfléchir à la façon dont ils (les élèves, NDCDLT) se projettent dans une formation et un métier demain
Donc là ce qu’elle propose, c’est la technique des maîtres-nageurs des années 80 qui ont traumatisé une génération entière : balancer les mômes directement dans le grand bain, sans brassards, en gueulant "C'est comme ça qu'on apprend !". Pour remettre dans le contexte, parce que c’est pas assez turbo-débile tout seul, la Ministre a dit ça pour DÉFENDRE PARCOURSUP que notre Premier Ministre (qui est pourtant pas la trace de pneu la mieux dessinée du cale-buttes) a osé remettre en question.
J'ai une furieuse envie de dire banco. Allons-y. Transformons directement l'école en usine à formater les petits soldats corporate de demain. Et puis la petite enfance, c’est le moment où on n'a pas encore découvert les bullshit jobs : dans 25 ans, on aura une armée d'astronautes, de pompiers, de footballeurs et de vétérinaires (équins), et ça c’est COOL.
Mieux : si on faisait des partenariats avec des entreprises dès la maternelle ? Lundi matin: peinture au doigt. Lundi après-midi: Dassault présente "les fusées qui font boum". Pourquoi s'arrêter là? Commençons avant la naissance. Puisque le déterminisme social trace déjà la destinée des mioches dès la primaire si j’en crois la Cour des Comptes, définissons le métier dès l’étape fœtus dans un mood totalement Gattaquesque. Ou mieux: un formulaire pré-coïtal où les futurs parents s'engagent sur les débouchés professionnels du fruit de leurs ébats en fonction du jour de conception, selon les prévisions de pénurie estimées à 25 ans. “Ah merde, on est le 22 mai, aujourd’hui c’est contrôleur SNCF… ça te dit on fait ça demain, c’est data scientist ?”
Bon, moi dans mon analyse de tout ce qui n’allait pas, je m’étais vachement appuyée sur le rapport de la Cour des Comptes sur l’orientation au collège/lycée, et donc j’avais de grandes attentes sur leurs recos. Je fus déçue, car ils recommandent 1/ d’intégrer un module sur l’orientation dans la formation des enseignants 2/ d’adapter l’emploi du temps des profs principaux pour permettre du temps d’orientation 3/ de tester dans certaines régions le rapprochement des voies pro, technologique et générale.
Autant, sur la troisième, je donne mon feu vert car j’y connais R donc je crois la patte de l’expert, autant sur les deux précédentes, j’ai de sérieux doutes. Perso, je fais du recrutement depuis 5 ans et pourtant je comprends pas le job de la moitié de mes potes, donc je vois pas trop comment un module de formation va aider les profs à conseiller les élèves. Je propose qu’on laisse les profs profer, c’est déjà assez compliqué comme ça.
En revanche, ouais, je pense qu’on peut faire mieux sur deux-trois points, comme ça de tête, sans prétention d’exhaustivité, merci d’être venu·es à mon meeting de campagne où chaque proposition est également un jeu de mots éclaté au sol :
Par coeur de Pirate : on laisse les mioches tranquilles sur l’orientation en maternelle, en primaire et disons, jusqu’à la 4ème. En revanche, j’pense qu’on peut lancer une grande réflexion sur le fait que globalement, peut-être qu’il serait important, vu le monde qu’on se tape, que l’école aide à apprendre : à apprendre ? À exercer son esprit critique ? À débattre ? À être créatif·ve ? Plutôt qu’à gober par coeur des trucs qu’on oublie à la sortie du contrôle.
Stage Mahal : il faut stéroïder monstagedetroisieme.fr. Et quand je dis stéroïder, c’est en faire un mélange de Parcoursup, de la JAPD et de cette énorme blague qu’on appelle le “stage ouvrier” dans les grandes écoles (le truc où les gosses de riches se frottent à des jobs de pauvre). En gros : plusieurs stages par an dès le collège, passage obligé par la plateforme pour TOUT LE MONDE, toutes les boîtes de plus de 50 personnes sont obligées d’en proposer, il est interdit d’aller dans la boîte de ses parents et l’algo force même le matching avec des domaines à l’opposé de leur profession.
Good COP Bad COP : je propose qu’on conditionne l’exercice du métier de Conseiller·ère d’Orientation et tous les métiers de conseil sur le sujet à au moins 10 ans de travail hors Éduc Nat, voire dans le privé.
Oriente Express : j’sais pas moi, faisons preuve de créativité. Par exemple, moi j’adore les interventions de pros dans les écoles pour inspirer les gamins sur le champ des possibles. Sauf que bon, ben ces pros sont généralement des parents d’élèves, donc quelque chose me dit que y’a des écoles où y’a vachement plus d’interventions d’avocats et de chefs d’entreprise que d’autres. Je propose donc d’utiliser le pouvoir magique D’INTERNET !. J’suis allée site de l’Onisep, il est super, mais y’a trop de texte. Je propose notamment une massive stratégie de contenus courts d’interviews de gens qui ont des jobs et qui les racontent, on n’a qu’à faire ça avec McFly et Carlito tiens.
Sanction d’assaut : Enfin, pour reprendre l’expression de la Cour des Comptes, on a un gros questionnement à faire sur “l’orientation comme sanction” du parcours pédagogique et la hiérarchie des filières. Tu galères un peu —> voie technologique ou professionnelle. Tu réussis —> voie générale. Non-négociable dans un cas comme dans l’autre. Et si la dernière fois, j’ai parlé des déterminismes envers les élèves qui rament ou sont désavantagé·es, je voudrais aussi faire un point sur les bon·nes élèves, à qui il est très souvent forcé une orientation “parce qu’iels le peuvent”. L’autre jour, un proche m’a raconté ses études secondaires et c’est absolument terrifiant. Ke vous en fais un encadré au cas où vous voulez sauter, mais franchement sautez pas.
“J’étais bon à l’école. Au collège au moment de choisir ma LV1, j’ai demandé l’anglais. Le prof principal a convoqué mon père pour dire que vu que j’étais fort, fallait que je choisisse allemand comme ça je serais dans une meilleure classe : mon père savait pas trop, il a dit ok, et ils m’ont fait faire allemand. Et pas juste allemand : section européenne. À l’arrivée au lycée, une filière Abibac (pour avoir à la fois le bac et l’Abitur, le bac allemand) venait d’ouvrir, on m’y a envoyé, donc je me suis retrouvé avec 6h d’histoire en allemand et 6h de cours d’allemand. Ajoutons à ça 2h de grec et 2h de latin, on sait jamais “ça peut être utile”. Évidemment, j’ai fait S, mais une section spéciale, qui s’appelait “S rapide”, je ne sais plus si il y avait plus de cours mais il y avait clairement plus de travail à la maison. L’histoire de l’art m’intéressait, j’ai demandé à en faire le mercredi aprèm, on m’a dit non. En revanche, on m’a recommandé la spé maths au lycée, donc j’ai fait ça. Je me suis retrouvé avec une cinquantaine d’heures de cours par semaine, hors les devoirs. Un jour, soudain en Première, j’ai plus été capable de bosser. Rien. Ça m’a dépassé. J’ai complètement lâché prise, et j’ai fini le lycée un peu dans le brouillard”.
Pour la blague, cette personne est la personne la plus littéraire que je connaisse.
Avant même d’aller plus loin dans notre sortie piscine, il faut qu’on fasse une petite pause à côté du bassin pour faire un sort à ce concept pété. J’ai relu mon article sur la vocation, et l’avantage d’avoir une mémoire de merde, c’est que j’ai appris des trucs, donc je vais le réutiliser.
Le concept de la vocation, c’est exactement comme ces bouées flamant rose, ananas, donut, licorne ou coquillage d’influenceuse : quand on voit quelqu’un qui en a une, ça a l’air maxi-cool et on a une envie impérieuse d’en avoir une aussi. Sauf qu’entre ce que montrent les gens sur insta et la réalité du bousin made in China, inconfortable, fragile, avec des coutures qui font mal et qui prend de la place dans la valise, il y a un monde.
Voici ce que je disais dans l’article en résumé serré et corsé comme un café italien : l’idée de vocation sert davantage le système que les individus. Loin d'être innée ou de tomber du ciel, la vocation est un produit contextuel façonné par notre environnement familial, social et culturel. La vocation et son poto le “métier-passion” sont des instruments du capitalisme qui justifient le dévouement excessif, légitiment la sous-rémunération de métiers essentiels et en prime culpabilisent ceux qui n'en ont pas. Résultat, on peut leur vendre des coachings bien reuch avec la promesse de trouver leur "mission de vie", tout en donnant au travail une place démesurée dans notre définition du bonheur et de l'accomplissement personnel.
Voilou. Send tweet.
Bien sûr que non, l’utopie n’est pas un monde où on a tous·tes trouvé un truc qui nous passionne et on en a fait un métier. Pour une raison évidente, déjà, qui est qu’on a besoin de gens qui font des routes, des boulons, des déclarations de TVA, des sandwiches, des Excel, qui lavent des fesses, qui remplissent des rayons, qui taillent des haies, qui récoltent des légumes, qui conduisent des bus, qui scannent des codes barre, bref, c’est un privilège de pouvoir envisager une carrière qui soit aussi un kif, un privilège que certains peuvent se permettre justement parce que d’autres s’occupent de faire tourner la grande machine du système avec des métiers pas passion.
Mais aussi, parce que le concept de passion et de vocation donnent une importance démesurée au travail. Qu’on s’entende, je trouve souhaitable de faire un taf qu’on aime bien. De là à lui donner le rôle de nous réaliser, il y a un saut. Un saut qui met le travail au coeur de la vie. Un saut qui bénéficie aux gens qui emploient des gens “passionnés” et peuvent donc les corvéer. Un saut qui profite également à des coachs en tous genres qui monnayent l’idée d’une carrière comme quête spirituelle.
En prime, dans l’idée de métier-passion, il y a trois écueils annexes mais pas cons. Le premier : c’est pas parce qu’on est a une passion pour quelque chose qu’on y est doué·e. Moi par exemple, j’adore la photo et la céramique. La première, j’y suis médiocre, la seconde, j’y suis carrément nulle à iech (et là, si votre premier réflexe a été de vous dire que j’exagère et que c’est juste une question de pratique, voici le résultat de ma quoi, cinquième initiation à la poterie) (avouez). La seconde : tous les gens qui adorent faire un truc savent qu’en faire leur métier c’est pas la même limonade, que ça ajoute une pression et des enjeux qui peuvent aller jusqu’à ruiner le plaisir du bail. La troisième : on peut avoir plein de passions, pas juste une, et elles peuvent changer au fil de la vie.
Donc bref, mon utopie c’est la bonne vieille bouée pneu, solide, quali, confort bien que pas glam du tout. À savoir : un rapport beaucoup plus distancié, voire même fonctionnel au travail. Se poser des questions évidentes qu’on ne se pose pourtant pas toujours : de combien de thune j’ai besoin pour être bien ? Qu’est-ce que je suis prêt·e à donner en échange de cette thune ? Quelles conditions je peux accepter ou pas pour obtenir cette thune ? Ouais c’est sûr que c’est moins excitant qu’un webinaire pour trouver son ikigaï. J’ai pas lu The Good Enough Job, mais je crois que c’est exactement ça le sujet, en probablement mieux expliqué.
A la rigueur, parce qu’on est dans un secteur “compétitif” où il faut déjà avoir de l’expérience quand on débute, on a fait des stages ou une alternance. C’est le petit bain : on prend conscience de l’inexorable hess des choses, mais l’eau est encore étrangement chaude. Puis paf, il faut démarrer dans la vie active, et là, c’est le grand bain : systématiquement beaucoup plus froid qu’on espérait. Il paraît que “si on bouge, ça va” et donc on se retrouve à s’agiter frénétiquement pour survivre et à filer droit vers l’épuisement sans avoir le temps de se demander ce qu’on fout là.
Quoi qu’on aie appris à l’école, la fac, bref dans le supérieur, la partie vraiment concrète, appliquée, utile, sur le monde du travail, s’arrête plus ou moins à : savoir se présenter en 2min et réaliser un CV. En gros, on nous met un joli maillot de bain, on nous explique la théorie de l’aérodynamique, et on nous laisse en plan sur le plongeoir. Or, pour reprendre les termes de Mouvement T : “sur une promotion de 500 jeunes étudiants et futurs cadres, 250 vont connaître un burn-out au cours de leur carrière, 100 vont être victimes de management toxique. Mais aucun (ou quasiment) n’en aura entendu parler lors de sa formation.”
On décharge au front camion après camion de jeunes troufions impréparés voués à devenir la chair à canon du monde du travail sans jamais leur expliquer des trucs essentiels comme : le Droit du Travail, comment négocier, comment poser ses limites, comment éviter l’épuisement et en reconnaître les signes, comment identifier un manager toxique, quelles sont les règles tacites de l’entreprise même dans les boîtes “cool”, comment éviter le small-talk gênant dans l’ascenseur, euh non sur la dernière laissez tomber c’est perdu d’avance.
Moi j’ai eu une opportunité extraordinaire dans mes études : un prof dépressif. Je suis extrêmement sérieuse. C’était en premier cycle, dans un cours appelé “Vie de l’entreprise” qui visait à répondre aux enjeux ci-dessus mais, dans les faits, n’y répondait pas du tout (j’ai fait un exposé sur le métier de juriste pour lequel j’ai dû interviewer 4 juristes) (franchement, il n’y a RIEN que le 4ème juriste pourrait dire que n’a pas dit le 1er juriste). Bref, si le fond, c’était pas trop ça, la forme, mon dieu, pépite. Tout ce que j’ai su de l’entreprise avant d’y bosser m’est venu des punchlines que le gars, un consultant désabusé bien avancé dans roul, lâchait entre deux slides. Et pour une meuf qui a zéro mémoire, je peux vous les ressortir telles quelles :
“alors pour info, si vous souhaitez revendre votre boîte, l’appeler par votre nom de famille c’est pas une super idée”
“au fond, l’entreprise est le dernier système totalitaire admis aujourd’hui”
“les documents juridiques, ça a l’air super compliqué, mais si on se concentre un peu y’a pas toujours besoin d’un avocat pour écrire une clause de contrat”
“ça vous choque pas le terme “ressources humaines” ? Une ressource c’est ce qu’on exploite : on affirme tranquillement l’idée de l’exploitation des humains là non ?”
Donc moi j’ai deux options à vous proposer pour l’utopie.
La première, c’est de faire intervenir des gens en burnout / crise existentielle ou des démissionnaires dans les écoles. Si on y pense deux minutes, y’a pas de moment plus brut de pomme dans une vie pro. On n’a plus l’énergie d’avoir des filtres ou d’essayer de se faire bien voir, donc on crache le glaviot de la vérité tel quel. Et la vérité, dans le monde du travail, c’est plus rare que des toilettes propres en festoche.
La seconde option, elle est peut-être plus souhaitable : on prend un peu de recul, on se demande ce que nous, on aurait aimé savoir avant de se jeter à l’eau, et on explique ça aux jeunes. Mouvement T, toujours (oui je suis fan, y’a quoi) fait des interventions dans les écoles sur exactement ça : tous les sujets, les questions, les infos qu’il est bon d’avoir avant de commencer à bosser. Ça va de questions comme “de quoi ai-je besoin dans la vie, et qu’est-ce que j’attends du travail” à l’explication concrète de ce qu’est un bullshit job et des logiques qui sous-tendent des conneries comme “on est une grande famille”. D’ailleurs, iels cherchent des personnes qui sont motivées pour les aider, que ce soit en les mettant en relation avec leur ancienne école, en les rejoignant, en signant leur tribune, bref, tout est là.
Dans un monde où on sait à quoi s’attendre en arrivant dans la vie active, on gagne du temps. Beaucoup de temps. On s’évite des années à encaisser avec la promesse que ça sera mieux après pour découvrir trop tard que, soit y’a pas d’après, soit l’après est éclatax. On s’évite de réaliser à 30-40 piges, qu’en fait, c’était pas de gagner plein de thune ou d’être manager qu’on avait envie, et qu’on vient de passer 10-20 ans à sacrifier ce qui comptait (notre temps, notre santé, notre life) pour un truc qui comptait pas du tout pour nous en fait (un titre sur LinkedIn, des responsabilités, la reconnaissance d’un petit groupe de gens). On s’épargne potentiellement une crise existentielle vécue à l’arrache parce qu’après tout ce temps perdu il est soudain urgent de vivre un peu.
Tiens, on y arrive d’ailleurs.
On a hérité de l’image d’un monde du travail construit comme une piscine olympique : de belles études pour s’assurer une belle coulée de départ, une succession de longueurs sur une distance réglementaire de 3-4 ans par boîte pas plus pas moins, on reste dans sa ligne d’eau toute sa vie, on cherche avant tout la perf et l’enjeu c’est de doubler la personne de devant pour arriver plus vite sans trop boire la tasse.
Alors que pardon, le monde du travail aujourd’hui c’est Aquaboulevard : un immense complexe bordélique bourré de recoins cachés, où tout le monde passe d’une activité à l’autre dans un brouhaha assourdissant et une entêtante odeur de chlore. On sort avec une petite gerbe de la piscine à vagues de la méga-entreprise toxique pour se jeter dans le jacuzzi réconfortant de la petite boîte à taille humaine. Mais paf, on réalise qu’il y a une crotte au fond, alors on opte alors pour le toboggan solitaire de l’indépendance ou on essaye la rivière de la fonction publique pour découvrir qu'elle est à sec depuis trois réformes, alors on se dit que ce qu’il nous faut, c’est le parcours santé de la reconversion en naturopathie avant de réaliser qu’on s’y fait chier, et de retourner à la piscine à vagues, et ainsi de suite.
Sauf qu'on est encore dans un système où sortir de sa ligne d’eau, c’est pas que c’est pas possible, c’est juste que c’est pas vraiment prévu donc ça fout le bordel.
Bien que la majorité des actifs·ves soit concernée par la reconversion à un moment ou à un autre de leur vie, on continue à la considérer comme l’exception, pas la règle. Résultat, on ne la prépare pas et on la vit souvent dans l’urgence, en réaction ou en solitaire.
C’est du moins ce que j’affirmais la dernière fois sans aucune preuve. Entre-temps, j’ai lancé ma petite étude maison en partenariat avec Iflop auprès de 138 répondant·es ayant déjà réalisé au moins une reconversion. Statistiquement, ça vaut que dalle mais ça n’a jamais empêché CNews, BFM et compagnie d’affirmer des trucs sur la base d’un poll twitter donc je vais pas me priver. Merci DU FOND DU COEUR à vous pour le temps que vous y avez consacré, et pour notamment les 101 réponses texte à la question finale sur ce qui vous a manqué dans le process, dont un bon paquet de pavés bourrés de sincérité dont certains m’ont tiré la larmiche. Evidemment, si vous avez la flemme de toutes ces datas, vous pouvez passer directement à la partie Utopie.
65% des personnes interrogé·es ont quitté un CDI pour se reconvertir (y’a des parcours géniaux, je vous en fais un encadré avec quelques extraits).
Quelques reconversions
Un sociologue devenu ingénieur en informatique. Un data analyst devenu professeur des écoles. Un ingé devenu prof des écoles. Un·e doctorant·e en neurosciences devenu·e ingé électronique. Un ingé électronique devenu prof de guitare. Une ingé électronique devenue mécanicienne vélo. Un DA dans la pub devenu mécanicien moto. Une webdesigner devenue électricienne. Un·e DA devenu·e archiviste-iconographe. Un·e iconographe devenu·e agent immo. Une cheffe de produit devenue manager de fablab devenue agent immo. Un·e Planneur·se strat devenu·e agent immo. Une médiatrice cultuelle devenue bibliothécaire devenue ouvreuse dans un opéra devenue guide devenue ambulancière. Une chargée de projet culturels devenue kiné. Une cadre dans la protection de la nature devenue accordeuse de pianos. Un·e éducateur·ice spé devenu·e prof de yoga devenu·e dev. Un agent de sécu devenu éducateur spé. Un·e fonctionnaire du Ministère des Armées devenu·e prof de yoga. Une cheffe de projet web devenue prof de yoga. Une assistante webmarketing devenue doula. Un chef de produit devenu biographe. Une DirCli devenue coach sportive. Une key account manager devenue gérante d’un sauna libertin LGBT+. Un directeur pédagogique devenu vidéaste. Une coordinatrice de projet en centre social devenue céramiste. Une consultante devenue DRH devenue créatrice d’entreprise dans le funéraire. Un·e creative strategist devenu·e conseiller·ère funéraire. Un peintre décorateur carrosserie devenu responsable dans le marketing digital. Une vendeuse de vaisselle devenue bibliothécaire. Un·e responsable ordonnacement en industrie devenu·e archi d’intérieur. Une animatrice radio devenue prof de FLE devenue rédactrice succession en assurance vie devenue gestionnaire d’assurances devenue agente d’accueil dans une boutique de chaises devenue gestionnaire de sinistre devenue testeuse fonctionnelle devenue rédactrice scientifique.
Moi je trouve ce grand Aquaboulevard super beau à regarder, hyper thérapeutique, et ça me remplit de joie d’imaginer que des gens aussi différents lisent CDLT et/ou font partie de mon environnement digital. Merci aux répondant·es (et évidemment à celleux que je n’ai pas pu citer) pour votre générosité.
Passons au pourquoi. Les deux raisons principales : la recherche de meilleures conditions de travail/de vie (43% concerné·es), et le besoin de s’extraire d’une situation pas top (42%), suivies de l’envie de tester un truc nouveau (35%) et de la famosa quête de sens (32%).
28% des reconversions se sont faites relativement naturellement, 27% ont été mûrement réfléchies, et 17% ont fait suite à une opportunité inattendue. Ce qui est globalement assez positif, mais laisse quand même environ 1/5 de reconversions réalisées dans l’urgence, la douleur, voire les deux. Ça va plutôt vite en général d’ailleurs, puisqu’on a 1/3 de reconversions qui ont pris moins de 6 mois et 27% entre 6 mois et 1 an.
La première info qui m’a surprise, c’est celle de l’accompagnement : dans une question à choix multiples, je listais à peu près tous les dispositifs que j’ai pu trouver, du bilan de compétences aux assos en passant par les programmes internes aux entreprises, le CEP, la totale. Eh bien dans tout ça, 1/3 des gens n’ont bénéficié d’aucun accompagnement. Rien. Nada. Viennent ensuite, à égalité, le bilan de compétences et l’appui d’un proche ou d’un mentor à 21,5%. Ensuite, y’a les organismes de formation (21,5%), France Travail (18,5%) et… le soutien psy (14%) et le coaching (10%). Les personnes aidées par leur entreprise sont… 4%. Donc globalement, on est sur beaucoup de système D. Il faut quand même que je vous parle des réponses “Autres”, car plusieurs sont soit ultra-mim’s (deux personnes font un big up à leur compagne, une personne à ChatGPT, une à sa soeur), soit ultra-drôles (“mdrr non c'était un combat de rue” / “la thune des darons”).
À la question ouverte de l’utilité de l’accompagnement, il y a trois types de réponse : la moitié environ qui disent que ça a été utile, une petite partie qui dit oui mais qui nuance, et un gros 40% à vue de nez dont la réponse tourne autour de “franchement, bof”. Globalement, tout le monde semble s’entendre sur le fait que le bilan de compétences, c’est bien, y’a des big ups au CEP, au programme On Purpose qui crée des ponts entre les boîtes et les entrepreneurs sociaux et assos, au dispositif démission-reconversion pour toucher le chômdu même en démissionnant.
Dans les mentions, ce qui semble avoir été vraiment utile dans l’accompagnement, très souvent c’est soit le côté déclencheur pour oser se lancer, soit le boost de confiance, soit le soutien concret (signature de conventions, financement) plus que l’orientation en elle-même.
Dans les difficultés rencontrées lors du process, on a un trio de tête avec : l’incertitude/l’instabilité, les doutes /les angoisses et la thune. Plus loin, dans le peloton, on a : le bordel administratif, la nécessité de se former, l’impact sur la vie de couple ou de famille, le manque d’accompagnement et la difficulté d’accès aux infos. Seuls 4% des répondant·es ont répondu n’avoir rencontré aucune difficulté. Et dans la catégorie “autres” je voudrais mentionner cette personne qui a remercié “Pôle Emploi pour la thune”.
À la question “le métier vers lequel vous vous êtes reconverti·e est-il conforme à l’idée que vous en aviez au départ ?”, plus de 51% des gens disent que globalement oui mais avec des surprises, 12% environ disent “totalement”, mais un surprenant quart des répondant·es dit ne pas se l’être vraiment représenté et près de 10% que leur nouveau métier ne correspondait pas à ce qu’iels imaginaient.
Sur les leçons au global, une moitié à nouveau (49,3%, ça se mentionne) dit que sa reconversion a été une expérience globalement positive malgré quelques surprises et 30% une complète réussite, ce qui est pas mal. Ce qui laisse environ 1/5 de gens ayant eu une expérience soit mitigée, soit considérée comme un échec.
Dans les aspects négatifs de la reconversion, le très grand gagnant est : l’impact financier et la difficulté d’en vivre pour la moitié des gens, suivi du manque de stabilité pour environ 44%, de la difficulté de partir de zéro ou de commencer d’en bas, puis de la solitude pour environ 30%. Un peu plus loin derrière avec 20% de concerné·es, on a : réaliser que le nouveau métier ne leur va pas tant que ça, le manque de reconnaissance, l’impression de ne pas avoir trouvé ce qu’on cherchait et d’être encore un peu paumax.
La question de la next step m’a surprise un peu : on a 1/3 de personnes qui ont décidé de continuer dans leur nouvelle voie après la reconversion, mais 30% qui ont re-changé de métier, 12% qui y songent et 10% qui se laissent un peu de temps pour voir.
Au global, les effets sont tout de même assez super, avec une très grande majorité des gens qui disent que la reconversion a impacté positivement leur qualité de vie, leur sentiment d’accomplissement et leur estime de soi, leur bien-être, l’équilibre pro/perso et leur vie perso. Le seul truc qui est pas ouf, encore, c’est l’impact financier.
Et pour ce qui est de la question finale sur ce qui manque/est essentiel dans le process, dans la centaine de réponses/pavés — que je ne partage pas car beaucoup sont super intimes — voici les grandes tendances qui reviennent maxi-souvent :
la nécessité d’une bonne vieille introspection : beaucoup disent avoir manqué d'un vrai travail de fond sur leurs motivations, leurs capacités et leur état psychologique (parfois pour dissocier le burn-out du besoin réel de changement) ou au contraire soulignent à quel point leur travail psy a été absolument essentiel pour dépasser les bloquages, l’anxiété et le syndrome de l’imposteur.
le gros point noir de la thune : au cas où c’était pas clair, la thune est LE facteur de stress majeur et le problème central dans le process. Plusieurs personnes bénissent Pôle Emploi/France Travail, plusieurs (je déconne pas, eux ptêt) en appellent au revenu universel, beaucoup soulignent la difficulté de repartir d’un salaire et d’un niveau plus bas.
la perte de repères : alors c’est intéressant, il y a pas mal de mentions du choc culturel totalement imprévu entre leur ancien et nouveau monde professionnel, de la difficulté à s’intégrer/s’adapter dans un environnement avec des codes où des modes de fonctionnement différents où on se sent parfois un peu comme un ovni.
le manque d’accompagnement personnalisé : un gros manque d'interlocuteurs capables de challenger un projet de façon réaliste, de soutenir, de guider. Un bon paquet de gens souligne que le problème commence clairement dès l’école.
le besoin VITAL de retours d’expérience : alors ça c’est un raz-de-marée, soit de gens qui disent regretter que personne ne leur ait dit franchement à quoi s’attendre ou de ne pas avoir pris le temps de recueillir des témoignages, soit de gens qui soulignent l’importance d’échanger avec des gens qui exercent le métier auquel on s’intéresse.
le soutien moral : l’aide des proches est TRÈS TRÈS souvent citée comme condition sine qua non pour traverser la période.
quelques arnaques : plusieurs notent aussi des formations/acteurs/boîtes bien reuch qui vendent des belles promesses avec du vent derrière.
Et mention spéciale à ces expressions magnifiques que je sors de leur contexte pour plus de délice : “nos culs appartiennent à des banquiers en vérité”, “J’y suis allé à la zon comme on dit à Lyon”, “j'y ai laissé 6000 euros, mes cheveux et j'en passe” et une citation de Jean-Claude Dusse.
A priori, si vous avez rawdog ces deux articles vous savez à peu près où j’en viens, mais m’y voilà.
Dans mon Aquaboulevard de la reconversion heureuse, on commence par affronter les faits : l’immense majorité de la population active va se reconvertir un jour ou l’autre, qu’elle le veuille ou non. Vous, moi, qu’on l’aie déjà fait ou non, qu’on appelle ça une “reconversion” ou non (c’est un vrai truc ça, moi j’ai lâché la pub pour monter ma boîte y’a 5 ans, et j’ai jamais considéré ça comme une reconversion, alors que bon…), on va y passer. Et y repasser. Que ce soit parce qu’on en a marre, parce qu’on en a envie, parce qu’on n’a pas l’intention de monter les échelons, parce qu’on est poussé dehors, parce que notre métier évolue, parce qu’on réalise que la retraite est loin et qu’on mérite une meilleure vie, parce qu’on s’emmerde, parce que… la vie : on va y passer.
Donc proposition 1, j’aimerais que culturellement, on commence par péter les lignes d’eau. Qu’on se débarrasse une bonne fois pour toutes de l’idée du “bon CV”, stable, linéaire, rassurant, et qu’on se laisse inventer, mais aussi valoriser des “scripts de carrière plus variés” selon l’expression d’Emmanuelle Garbe. Et ça marche pour soi (cesser de se forcer à rester minimum 2 ans dans une boîte où on est malheureux·se comme les pierres, s’autoriser à faire des pauses de carrière, s’autoriser à considérer des opportunités qui nous font kiffer même si ça “la fout mal sur le CV”) comme dans la façon dont on recrute, conseille, et accompagne les autres. Ça signifie aussi qu’on fait un gros boulot dans les RH pour reconnaître les “compétences transversales” : tout ce qu’on sait faire et qui n’est pas spécifique à un job. La capacité à résoudre des problèmes complexes, l'organisation, la communication, la gestion du stress, la prise de décision, l'adaptation au changement, l'esprit critique, la créativité, le travail en équipe, et compagnie, ça a la même valeur partout, qu’on les ait appris en élevant des gosses, en gérant un restaurant, en organisant des soirées électro dans une boîte de conseil.
Proposition 2, il est temps de considérer que l’orientation, c’est toute la vie. Et par “toute la vie”, j’entends pas “plusieurs fois dans la vie”, j’entends “en permanence”. S’orienter, idéalement, ce n’est pas un truc qu’on fait à l’école, puis qu’on lâche avant de le reprendre tous les 10 ans quand il est grand temps changer de bassin. C’est une tâche de fond, un truc auquel on réfléchit sans arrêt. Ce que ça implique, c’est que :
des outils comme le bilan de compétences ne devraient pas être circonscrits à des processus de reconversion, mais devraient être des passages obligés dans une carrière. Mettons, tous les 7 ans, pris en charge évidemment. Car le bilan de compétences c’est avant tout un point d’étape sur ce qu’on sait et aime faire, indépendamment de son job actuel. Et, les témoignages sont clairs à ce sujet : faire ce point d’étape, A MINIMA ça donne confiance. Et parfois, la confiance, c’est juste ce dont on a besoin pour s’extraire d’une situation pétée ou chercher mieux, que ça implique une reconversion ou non. D’après France Compétences, la moitié des personnes qui entament un process de reconversion ne vont pas au bout. Après des années la tête dans le guidon, prendre du recul et savoir ce qu’on vaut, ça évite parfois de se lancer ce chantier alors qu’on avait surtout besoin de faire une pause/une thérapie/changer de job.
à l’échelle individuelle, on y consacre du temps, tout le temps : je parle d’en faire un process actif et de long-terme. Pour éviter de réfléchir à sa prochaine reconversion en crash, en crise, dans le rush parce que soudain, on est arrivé à saturation de son job/sa vie/son boss, on la prépare en permanence. Et par “la préparer”, je veux dire qu’on va au-delà d’”y réfléchir”, ce que fait déjà la majorité de la population active. Dans mon Aquaboulevard personnel, on étale le process de reconversion (faire un bilan, envisager des métiers, rencontrer des gens qui font ce métier, se former etc.) sur toute la vie. Si soudain en revenant de vacances, on se dit que ça serait coolos de lancer un gîte, eh bien on chope le réflexe de faire des recherches, mater des trucs, rencontrer des gens qui l’ont fait, et si on n’est pas dégoûté, on se forme. Au pire, on ne changera jamais de voie, mais on aura appris des trucs. Au mieux, au moment où ça urgera, on aura des options claires, réalistes, réfléchies en main au moment de se lancer dans le process, on gagnera du temps et on perdra moins de cheveux.
l’accompagnement à la reconversion doit devenir un projet de société, pas un patchwork de dispositifs méconnus (pardon, des '“stratégies de bricolage hétérogènes” selon France Compétences) qui laissent les gens globalement se demerden sie sich. J’entends par-là évidemment un véritable service public de l’orientation unifié, petit mix and match des Ministères de l’Educ Nat, du Supérieur et du Travail, qui éviterait la prolifération des acteurs privés pétés du cul qui promettent monts et merveilles pour encaisser nos CPF. Evidemment, ça implique beaucoup de thune, parce qu’il me semble évident qu’un “revenu de transition” (une allocation temporaire, accessible à toute personne en reconversion, équivalente à un pourcentage décent de son ancien salaire, versée pendant la durée de la formation ou de la transition vers un nouveau métier, sans condition absurde) est nécessaire à mettre en place. Mais franchement, vu la thune publique qu’on claque en formations bullshit privées financées par le CPF, en process de reconversion pas satisfaisants, en dispositifs de reclassement sous-traités à des cabinets de coaching pétés qui “réenchantent votre CV”, en chômages longs subis parce que les process prennent trop de temps ET dans le coût massif et invisible du mal-être au travail (askip 12600€ par an par par salarié·e en arrêts maladie, baisse de productivité, ruptures de contrat et compagnie), je pense qu’on peut trouver la moula. Mais j’entends aussi que ça devient l’affaire des entreprises, qu’il faut inciter à former, mais aussi recruter des personnes en transition. Dans mon Aquaboulevard, y’a même la généralisation de dispositifs d’immersion professionnelle type “vis ma vie pro” pour tester des nouveaux métiers, de congés d’exploration type congé sabbatique accessibles tous les 5 ans, et plein de trucs comme des réductions du temps de travail dédiées à faire autre chose.
Dans mon Aquaboulevard, on devient tous·tes très vite des pros du changement de bassin. Si j’en crois France Compétences, “plus on a connu des changements, plus on est confiant dans sa capacité à se reconvertir”, et c’est vrai : une fois qu’on a sauté le pas une fois, démystifié le bousin, pété la ligne d’eau, on réalise que c’est pas si terrible que ça, et qu’au pire, si notre nouvelle voie ne nous va pas… “bah… vous ferez autre chose ?” comme l’a parfaitement résumé la psy d’une des répondantes.
Je viens d’enquiller deux maxi-articles et c’est FOU, j’ai l’impression qu’il reste encore un paquet de trucs à dire, mais je propose qu’on s’arrête pour l’instant, ne serait-ce que parce que mon ordi est en surchauffe avec 50 onglets ouverts (49 d’études diverses ET celui du site d’Aquaboulevard).
Tout ça pour dire, en somme, que globalement, si la dernière fois on a établi que se reconvertir c’est normal, j’aimerais maintenant qu’on passe à l’étape d’après : en faire un fait de la vie professionnelle et donc un processus actif, permanent, dont on s’empare tous·tes à tous les niveaux de la société.
Voilà, en gros. 16900000 caractères juste pour dire ça.
Sev