Est-il encore possible de se concentrer ?

La profonde hypocrisie du deep focus

CDLT
11 min ⋅ 12/06/2025

Parmi les nombreuses peurs que m’inspire l’accélération technologique (qui vont de “je suis incapable de m’orienter quelque part si je ne dispose pas d’une carte digitale où je suis un petit point bleu” à “l’annihilation de l’humanité”), il y en a une que je me traîne depuis bien longtemps : la désintégration progressive de mes capacités de concentration.

J’en veux pour preuve qu’entre le moment où j’ai attaqué l’écriture de cet article et la phrase que vous êtes en train de lire, j’ai ouvert : Slack, Allociné, Whatsapp et Synonymo (c’était pour “désintégration”). Je double-screen aisément la majorité des séries que je regarde. J’écoute des podcasts/regarde des vidéos Youtube en faisant autre chose. Je ne comprends tout simplement pas comment j’ai pu rester assise en prenant des notes 8h par jour à l’école alors qu’aujourd’hui je suis incapable de participer à une visio de 40min sans ouvrir au moins 5 onglets n’ayant aucun rapport avec la choucroute (et si j’en crois la dernière update de Gmeet et son petit cadre flottant, je ne suis pas seule). J’arrive à lire des livres par tranches de 15min max avant de m’endormir ou sortir mon téléphone.

Et ça me stresse. Cette idée de perte d’une compétence, d’un truc que je SAVAIS faire et qui s’émiette peu à peu, je ne sais même pas exactement comment. Parce que oui, bien sûr, c’est en grande partie la faute de la technologie, mais ça se fait comme un meurtre à la petite cuillère (si vous avez la ref, vous avez probablement, vous aussi, passé une partie des années les plus excitantes de votre jeunesse devant un écran) : par un million de micro-actes qui parsèment une journée. Alors si on veut revenir en arrière, c’est un peu difficile de savoir par où commencer.

D’autant qu’on nous explique à tort et à travers que c’est MAL. Qu’on est des gros·ses faibles si on n’est pas capables de deep work, de trouver l’état de flow, que c’est cette capacité qui différencie le bon grain de l’ivraie (A). Que plein de grands génies ont banni les écrans chez eux, et qu’on n’a qu’à faire pareil, c’est pourtant pas compliqué.

Cette culpabilité, je la ressens. Et pourtant, elle m’énerve au plus haut point. Je la trouve turbo-réac et maxi-hors-sol mais j’ai du mal à expliquer pourquoi. Ça m’a donné envie d’y réfléchir avec vous. Enfin, en votre présence.

Évidemment qu’on commence par l’économie de l’attention

1/ Notre attention ne s’effondre pas, on nous la vole

C’est le titre de cet excellent article de Johann Hari dans le Guardian il y a 3 ans. Pour vous le résumer rapido (parce que bon) l’auteur se prend une grosse flippe en voyant à quel point son filleul n’arrive pas à se détacher de ses écrans, et réalise qu’on est tous dans une grosse spirale de la distraction. Il tente une déconnexion totale, et au début, c’est chanmé, il profite de la vie, sérénité, cuicui des oiseaux, ralentissement du temps tout ça, et puis soudain c’est horrible : il traverse une grosse crise de manque. Il a cette phrase désarmante :

After the rhetorical heat of social media, ordinary social interactions seemed pleasing but low volume. No normal social interaction floods you with hearts.

Il interroge alors des scientifiques qui bossent sur le sujet, et je vous extrais deux punchlines, la première de Barbara Demeneix, endocrino et directrice de recherche au CNRS, la seconde de James Williams, ancien de Google et philosophe de l’attention.

There is no way we can have a normal brain today

[individual abstinence is] not the solution, for the same reason that wearing a gas mask for two days a week outside isn’t the answer to pollution. It might, for a short period of time, keep certain effects at bay, but it’s not sustainable, and it doesn’t address the systemic issues

BREF, il conclut, comme moi à chaque article de CDLT (celui-ci y compris) qu’en fait le problème est systémique.

Je ne vais pas vous faire une exploration détaillée du pourquoi, parce que vous avez forcément été exposé·es à des trucs comme Derrière nos écrans de fumée, et toute la vague des lanceurs d’alerte issus des GAFA qui ont expliqué comment les réseaux sociaux sont PENSÉS pour nous transformer en addicts à la dopamine et à la gratification instantanée, ou à cet article masterclass de Ted Gioia sur comment on est passé d’une économie culturelle de l’art à une économie du divertissement, et puis de la distraction.

Bref, ON SAIT, on vit dans une économie de l’attention, où des mastodontes s’arrachent des petits bouts de notre journée pour nous vendre des trucs, et que ça affecte les structures de notre cerveau.

Mais moi ce qui m’intéresse, c’est la tension derrière tout ça.

2/ La tension derrière l’attention

La tension c’est que PLUS on nous assaille de mécanismes sophistiqués et inévitables pour voler notre attention, PLUS on nous assaille d’injonctions à réapprendre à nous concentrer.

Faut dire que c’est rentable.
Car s’il y a une économie de l’attention (= nous la voler), il y a une économie de la concentration. Des playlists “focus” (ou des services genre Focus@will qui créent des playlists personnalisées), des techniques type Pomodoro (découper les tâches par tranches de 25 minutes), des applis de méditation et tous les séminaires/retraites/bouquins sur la pleine conscience, toutes les applis anti-distraction (genre Forest, où on plante un arbre qui MEURT si on touche notre téléphone), évidemment les casques et écouteurs avec réduction de bruit, tous les outils de productivité (de Todoist à Trello en passant par Asana, Monday et compagnie) (je suis peut-être la seule “créatrice de contenu” au monde à parler de ces trucs sans être rémunérée pour, c’est ridicule) (n’hésitez pas à utiliser NordVPN pour protéger votre vie privée tant qu’on y est) (pardon j’en reviens au fait).

Mais c’est pas que ça.

C’est que globalement, en tant que société, on persiste à ne PAS VOULOIR VOIR qu’il y a un paradoxe insoluble dans cette histoire. Que notre environnement culturel/informationnel/technologique va continuer à être de plus en plus agité-fragmenté, et que nous enjoindre, individuellement, à réapprendre à nous concentrer est au minimum irréaliste, au maximum injuste. Plutôt que de réinventer un modèle viable de la concentration au XXIe siècle, on nous explique qu’il faut déconnecter, alors que nos jobs, notre vie sociale, nos divertissements (et en ce qui me concerne ma capacité à trouver mon chemin) impliquent d’être connecté·es.

Au travail, l’injonction est poussée à son maximum. On valorise la “polyvalence” (savoir tout faire à la fois) et la “réactivité” (répondre rapidement à toutes les sollicitations) tout en nous expliquant que ce sont les tâches stratégiques et à forte valeur ajoutée qui font la différence. On utilise l’augmentation de la productivité permise par la technologie pour nous demander de faire 1/ de plus en plus de trucs 2/ différents 3/ en même temps, on nous fourre dans des open spaces bourrés de Jean-Kévin qui gueulent au téléphone et nous harcèlent de leur fameux “t’as pas 2 minutes ?”, on saucissonne nos journées en réunions inutiles, on nous ensevelit sous des notifs Slack/Teams/Mail (en moyenne, une interruption toutes les 2 minutes au taf quand même) ET EN MÊME TEMPS on nous explique que notre avancement va dépendre de notre capacité à réaliser du travail de fond. Et après on balance le chiffre de 45% d’employé·es en détresse psychologique (c’est pour dire burn out) au travail, en packageant les causes (manque de reconnaissance/pression à la performance/compétition accrue) dans le communiqué sous la bannière molle de “hausse de l’individualisme”.

3/ Détendons-nous du mobile

Donc là où je veux en venir, et je vous dis ça autant que je me le dis à moi-même, c’est que globalement, s’en vouloir de ne pas réussir à se concentrer dans le monde actuel, c’est comme se reprocher d’avoir le teint un peu pâlot quand on vit dans une grotte.

Déjà que plein d’études lient l’attention fragmentée forcée au stress chronique, à l’anxiété et aux troubles du sommeil, on va pas culpabiliser en prime.

Moi par exemple, je vais vous faire une confession : j’adore le multitasking. Vraiment, je kiffe. Je pense fermement que je ne pourrais pas accomplir tout mon travail au quotidien sans multitasker. Je pense donc logiquement que je n’arriverais pas pas en prime à écrire cette newsletter, mais aussi une autre newsletter, mais aussi un autre projet encore tenu secret dont je vous parlerai prochainement (JE SUIS SUREX), mais aussi un autre projet dont je vous parlerai aussi, sans multitasker. Et il m’est évident que je n’arriverais pas à mener tout ça, mais aussi une vie normale (ne pas oublier de racheter des brossettes interdentaires, suivre en détail le crêpage de chignon Trump vs. Musk, déclarer ses impôts, aller chercher ses colis au Point Relais) sans multitasker.

Le monde nous impose des journées de 28h mais persiste à nous laisser 24h pour les boucler. Pour moi, le multitasking, ça marche, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise. Est-ce que ça fait de moi quelqu’un de maxi-chiant en réunion (“Sev… on t’a posé une question…”)? Oui. Est-ce que ça rend difficile de me concentrer vraiment sur une tâche ? Oui. Est-ce que je me trouve hyper efficace ? Oui. Est-ce j’ai l’impression d’avoir besoin de 23 minutes pour se re-concentrer après une interruption ? Non. Est-ce que je me mens ? Peut-être.

Là où j’en arrive, c’est qu’il y a du bon et du mauvais dans nos usages aujourd’hui. Que la fragmentation de l’information s’est accompagnée d’une ouverture sans précédent sur une infinité de champs de découverte, d’exploration, de curiosité. Dans ce bordel, je suis persuadée qu’on s’adapte, chacun·e à notre façon, et qu’il faut qu’on arrête de plaquer des modèles de concentration de moines tibétains sur un monde sous amphétamines.

Et puisque je suis là, à balancer des opinions sur des trucs, je vais pas me priver de continuer sur un sujet qui pique bien, et auquel je vais dédier tout une partie parce que je crois que c’est le péché capital de l’injonction à se concentrer.

Pouvoir se concentrer est un privilège

Voilà. Send tweet.

Je vais quand même expliquer pourquoi.

1/ C’est un privilège social

On a tous·tes entendu ce truc qui veut que les gamins de classes sociales aisées passent moins de temps sur lézécran. Alors c’est marrant, les études sur le sujet ne sont pas toutes d’accord. Il y en a (comme cette étude américaine sur des enfants de 9-10 ans en 2021) qui trouvent une corrélation très claire : plus le statut socio-économique est élevé, moins les gamins passent de temps sur les écrans. Alors que d’autres, comme cette étude de 2022 qui se fonde sur des journaux quotidiens et des entretiens qualitatifs (ce qui évite une partie des biais des études quanti en déclaratif) sont plus nuancées et moi je trouve ça excitant. En gros, ils trouvent que l’usage des écrans des gamins des classes élevées est équivalent sinon plus intense que ceux des classes moins aisées, mais aussi, assez radicalement différent :

  • ils ont accès à du meilleur matos, plus tôt, et à une connexion internet stable, et ils n’ont pas à partager leurs appareils (donc par exemple c’est vachement plus pratique pour faire ses devoirs).

  • ils sont encouragés à utiliser les écrans pour des objectifs éducatifs ou créatifs : jeux pédagogiques, vidéos scientifiques vs. un usage plus passif et répétitif pour les autres.

  • Les règles ne sont pas juste imposées par les parents : elles font l’objet de discussions, négociations ou justifications, résultat les gamins développent une forme d’auto-régulation, ou du moins, une compréhension plus fine des règles sociales et enjeux les écrans.

  • l’usage des écrans des familles au statut sociopro plus bas est plus souvent associé à un manque d’alternatives structurées : en gros, ils n’ont pas accès à autant d’activités extrascolaires, de jeux éducatifs non digitaux, ils ont moins d’adultes à dispo, etc.

Donc voilà, l’idée, c’est que pour prendre de la distance sur son usage digital, il faut avoir les outils pour en comprendre les effets, avoir du temps, et des alternatives accessibles. Ce qui nous amène à la partie 2 qui est la partie 1 mais en plus direct.

2/ C’est une question de thune

Créer les conditions de la concentration, c’est pas donné à tout le monde. Par exemple, on a réalisé depuis le Covid que travailler de chez soi c’est vachement plus simple quand on a une résidence secondaire avec une fibre de porc et un bureau fermé que quand on vit en coloc ou dans un studio où le lit est aussi le bureau, aussi le canap et aussi une chaise.

Ça me rappelle aussi la phrase “you have as many hours in a day as Beyoncé”, qui est l’un de ces mantras de dev perso qui incitent à se bouger le fiak en omettant, c’est vrai, que Beyoncé elle a une armée d’assistant·es, de managers, de prestas et d’employé·es, et que résultat, Beyoncé elle n’a probablement jamais à envoyer un mail pour décaler une réu parce que la précédente déborde / attendre 45min au téléphone pour résilier un abonnement / remplir le dossier de renouvellement de la cantine / comparer les contrats d’assurance / faire la queue au Point Relais.

Ah bah ça nous amène à un truc qui pique mais qui me tient à coeur.

3/ C’est une question de sous-traitance cachée

Il y a les assistant·es personnel·lles, les conciergeries, les employé·es de maison et compagnie qui permettent à plein de gens de nous raconter qu’il faudrait qu’on se concentre alors que ces gens peuvent se permettre de déléguer toute la gestion de leur vie à des services payants.

Mais il y a aussi une sous-traitance gratuite et cachée… oui je crois que vous l’avez… les compagnes de ces gens-là. A qui ces gens-là délèguent bien souvent tout le travail domestique, familial (allez bim les stats), émotionnel (penser à prendre des news des potes, organiser des trucs, trouver des cadeaux pour les fêtes) pour pouvoir se concentrer sur leur travail.

Au Royaume-Uni, on peut prendre son congé paternité quand on veut. Et j’ai vraiment entendu un mec prononcer cette phrase : “Non mais j’ai pris mon congé paternité quand le gamin avait 3 ans. Déjà c’est plus sympa, on peut interagir avec. Avant ça, il avait surtout besoin de sa maman.”

Moi j’appelle ça de la sous-traitance les amigos.

4/ C’est une question de maîtrise de son temps

Quand je suis devenue dirigeante d’entreprise, et que (après la première année, ahem) j’ai pu reprendre un vague contrôle de mon temps, j’ai eu une sorte d’épiphanie. J’ai percuté que mon cerveau avait des modes de fonctionnement différents selon les moments, et que si je ne luttais pas mais que je jouais avec, ça me rendait vachement plus capable de fonctionner de façon plutôt optimale. En ce qui me concerne, y’en a trois :

  • la patate (généralement début de matinée et après 15h) : là, je suis alerte (à Malibu), et je peux me concentrer sur des trucs de fond

  • l’aquarium (généralement avant de déjeuner et après 17h): là, je sers à rien, on peut littéralement voir le poisson rouge passer derrière mes yeux, donc je fais du rapprochement comptable ou j’essaie de faire du vide sur mon Drive qui s’approche dangereusement des 100% de capacité

  • la connerie (ça ça tombe sans prévenir) : là je fais 3 jeux de mots par minute, et j’ai absolument aucune envie de parler de quoi que ce soit de sérieux, c’est le moment que je choisis généralement pour poster sur l’Insta de CDLT

Et ça, ben c’est vachement plus simple d’organiser son temps autour de son mode de fonctionnement quand on est indépendant et en contrôle de son agenda. C’est vachement plus simple d’être créatif·ve quand on n’a pas de deadline et quelqu’un qui nous écrit pour nous demander toutes les heures si on a pu avancer. C’est rigolo, les coachs en productivité qui nous expliquent ces trucs-là, ils ont assez rarement un travail salarié et un N+1 qui les micromanage.

5/ C’est une question de kif

On le sait depuis les années 80, ou si on prend deux minutes pour y réfléchir : on arrive davantage à se concentrer sur des tâches qui nous plaisent. Dans l’article pré-cité du Guardian, le fait de se fixer un objectif et de trouver du sens à une tâche est un pré-requis à l’état de flow, selon le Professeur Mihály Csíkszentmihályi :

that goal needs to be meaningful to you – you can’t flow into a goal that you don’t care about

NI SHIT SHERLOCK. J’avoue, perso, je suis incapable d’écouter François Bayrou pendant plus de 20 secondes mais je peux passer 6h d’affilée sur un article pour CDLT. Mais la vie, c’est pas une gaufrette, et les gens qui clament haut et fort qu’il faut apprendre à deep work, je parie qu’ils seraient vachement moins en deep work en réunion de copro ou pendant une prez détaillant le ROI des investissements média, support par support.

Je vais conclure cette grande partie avec le deep work, tiens. Le concept nous vient de Cal Newman et de son bouquin du même nom en 2016. Il vend l’idée que pour être vraiment productif·ve, il faut se réserver plusieurs heures par jour, en silence total, sans aucune distraction, pour se plonger dans une tâche de fond. Évidemment, les critiques du bail ont pointé tout ce que vous trouverez ci-dessus : le gars donne, c’est marrant, plein d’exemples masculins, et de personnes blanches et pétées de thune et ne prend jamais en compte le contexte réel de la vraie vie des vrais gens. Et en prime, c’est tout blanc ou tout noir : soit t’es capable de te concentrer et tu connaîtras le succès, soit t’es condamné·e à végéter parmi les victimes du shallow work. Mais bon, c’est dur de faire un best-seller sans culpabiliser les gens on dirait.

Ok super et donc

Moi, j’y réfléchis depuis un moment à cette histoire. J’ai pas encore trouvé de solution miracle pour retrouver ma capacité de concentration d’antan. Au fond, je crois même que j’ai pas envie d’en trouver, parce que le monde est ce qu’il est, et que j’ai plutôt envie de mettre mon énergie sur des trucs réalisables.

Parce que les vraies solutions, elles sont évidemment systémiques. En ne parlant que du taf, il y a le respect du droit à la déconnexion par exemple, la réduction du temps de travail, la remise en question de la culture de l’urgence permanente, de celle du présentéisme, l’équilibre à trouver sur le télétravail, et même une réflexion à mener sur la multiplication des outils digitaux qui sont censés nous faire gagner du temps mais nous assaillent de notifs et morcellent les tâches.

Cela dit, y’a des trucs qui m’intéressent, quand même, dans les solutions qui ne promettent pas la lune mais offrent des petites poches de résistance atteignables. Je vous dis honnêtement ce qui marche pour moi/me semble pas trop débile. Vous allez voir c’est pas best-sellerisable pour un sou :

  • Dans cette super interview du journaliste David Pierce (The Verge) dans le super podcast Reply All, garanti sans injonctions à avoir de la discipline ou faire de la méditation, l’auteur explique tout ce qu’il a essayé de faire pour réduire son addiction digitale. Spoiler alert, après avoir à peu près essayé tous les gadgets imaginables (genre le Light Phone, une sorte de mix entre un 3310 et un smartphone, ou un truc comme The Brick qui bloque certaines app, etc), parmi les solutions simples et qui marchent pour lui, y’a… un câble. Laisser son téléphone à un endroit précis quand il est chez lui, branché. Refaire d’internet un “endroit” dans la maison, comme à la grande époque du modem 56k.

  • Perso j’ai essayé tous les trucs qui créent de la friction sur notre usage compulsif des écrans, genre Opal, mais ça ne tient jamais. Je ne dirais pas que je n’ai pas de volonté, je dirais que ma volonté d’être distraite est la plus forte.

  • Cela dit, moi ce qui m’a aidée, c’est de désactiver la quasi-intégralité de mes notifs, téléphone et ordi. Même Slack. J’y vais de toute façon, et m’épargner un point rouge franchement, ça rend la vie plus douce.

  • J’ai deux téléphones, un pro et un perso, comme ça je peux en enfermer un (le pro en vrai) dans un tiroir quand je veux couper, et c’est fou le bien que ça fait.

  • La bonne vieille to-do list. Séparée en pro/perso et now/plus tard dans une app genre Todoist. Tant que j’ai pas externalisé une tâche à réaliser, j’y repense dix fois par jour précisément dans les moments où je ne peux pas accomplir ladite tâche.

  • Bon, c’est débattu côté scientifiques, mais moi les playlists d’”alpha waves - binaural beats - deep focus - study & work”, perso, ça marche sa mère. C’est peut-être placebo, mais les alpha waves, j’ai l’impression qu’elles branchent instantanément mon cerveau sur une source intarissable de Ritaline dissout dans une tisane à la verveine.

  • Récemment, on m’a envoyé ce récap d’une conférence de Pascal Chabot que j’ai trouvé assez inspirant : il y explique qu’on délègue de plus en plus de moments au surconscient numérique au lieu de se brancher à notre inconscient :

Il y a 15 ans, si vous alliez boire un café avec un ami, vous discutiez, puis l'entretien se clôturait et vous marchiez pour rentrer chez vous. Et lors de cette marche, vous dialoguiez avec votre inconscient… C'est-à-dire qu'une série de choses qui ont été dites vous revenaient en mémoire. C'est le couplage conscience/inconscient qu'on connaît.
Aujourd'hui, après ce même entretien, ce n’est plus du tout votre inconscient que vous allez solliciter. Vous allez tout de suite faire le geste, ce geste que vous faites 250 fois par jour : consulter un écran. Cela a introduit une modification colossale dans nos régimes de sens.

Moi je mets de côté la dimension flippante, et même les grandes notions. Et ce qui reste, c’est un truc étrangement moins alarmiste que ce qu’on entend d’habitude (les écrans avant de dormir qui nous bousillent tout ça) (même si bon on est d’accord, c’est important) et beaucoup plus ludique. C’est cette idée d’identifier des petits moments où on se sent en mesure de, consciemment, ne pas sortir notre téléphone, pour voir ce qui se passe dans notre tête. Pour enregistrer, savourer une expérience. Se laisser quelques minutes pour regarder autour de soi. Ça me donne vachement plus envie d’essayer que quand je me fais culpabiliser, ça c’est sûr.

L’ironie de l’histoire et de cette conclusion c’est que si vous parvenez fréquemment à arriver en bas d’un article de CDLT, vous avez déjà des capacités de concentration supérieures à la moyenne, donc je sais même pas si cet article vous a été utile.

CDLT,

Sev

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Par Séverine Bavon

Ancienne employée, dirigeante d’une entreprise dans le freelancing, j’aime mettre les pieds dans 1/ le plat 2/ les évolutions du monde du travail. Je m’attaque, toutes les deux semaines, à un sujet lié au taf qui pose problème, qui m’énerve, ou qui devrait changer, avec une verve de tenancière de PMU et des sources académiques.

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